Secret de la vie privée et présomption de culpabilité
Débat étonnant aujourd’hui à « C dans l’air ». Face à Yves Calvi, j’étais entouré de deux journalistes et d’un universitaire spécialiste des médias. Le sujet était, bien sûr, Strauss-Kahn et… la morale en politique.
J’avoue avoir été sidéré par les propos de mes compagnons. Mais ils m’ont paru intéressants car ils reflétaient parfaitement ce qu’on entend depuis trois jours en France.
En gros, les trois lascars ont fait mine de battre leur coulpe en avouant qu’ils savaient très bien, « comme tout le monde et depuis bien longtemps », que Dominique Strauss-Kahn était un obsédé sexuel et qu’ils auraient donc dû le faire savoir ce qui aurait, sans doute, évité qu’il ne soit nommé à la direction général du FMI et qu’il ne devienne le grandissime favori pour les présidentielles.
Mais tout devenait totalement incohérent puisque tous les trois se mirent à défendre avec l’énergie des moralistes le droit au secret de la vie privée des hommes publics. « Nous n’avons pas à entrer dans la chambre à coucher des hommes politiques », s’écria l’un d’entre eux. « Le devoir d’informer n’a pas à entretenir le voyeurisme des foules », renchérissait un autre.
Or, de deux choses l’une : ou l’on respecte la vie privée des gens célèbres et on ne rend donc pas publics leurs défauts cachés, leurs tares secrètes, voire leurs vices les plus profonds, ou on étale au grand jour les penchants regrettables qu’ils peuvent avoir, pour les éliminer de la vie publique et les empêcher, avant qu’il ne soit trop tard, de commettre l’irréparable.
J’étais doublement minoritaire dans ce débat puisqu’à mes yeux les hommes publics n’ont aucun droit au secret de leur vie privée et qu’en plus je ne considère pas que le goût des femmes qu’avait indiscutablement Dominique Strauss-Kahn laissait entendre qu’il était un violeur en puissance.
Tous les experts l’affirment : les violeurs sont des malades (et des criminels, bien sûr) qui ne peuvent pas avoir de vie sexuelle autrement que dans la violence. Les dragueurs invétérés, les don Juan impénitents, comme l’était DSK, ne sont pas des violeurs. Si tant est que DSK soit bien coupable, son passé ne pouvait pas le laisser prévoir.
On doit d’ailleurs ajouter que, malgré ce fameux et sacrosaint respect de la vie privée imposé par nos lois liberticides, depuis des années, dans tous les portraits qui lui étaient consacrés, tout le monde insistait sur le charme un peu lourdaud de DSK, sa volonté de séduire à tout prix et son penchant au harcèlement, voire sa fâcheuse habitude de sauter sur tous les jupons qui passaient devant lui. Ce qui, répétons-le, n’en faisait un violeur prédestiné.
On peut naturellement se demander comment l’incroyable a pu arriver (s’il est arrivé). Les psychiatres parleront sans doute d’un coup de folie. Ils auront raison. Mais j’ajouterai une particularité française qui me semble avoir son importance, ici comme ailleurs.
Nos « ténors » politiques vivent dans une bulle qui les sépare de toute réalité. Ils habitent les palais dorés de la République, ils sont entourés de collaborateurs obséquieux qui cèdent à tous leurs caprices, d’une cour d’admirateurs intéressés qui leur donnent toujours raison. Ils finissent donc, au bout de quelques années, par se croire tout permis et par avoir la conviction de bénéficier à tout jamais de la plus totale des impunités.
On peut expliquer la plupart de tous les scandales (notamment politico-financiers) qui marquent depuis des années notre vie politique par cette perte complète de conscience des réalités chez nos « ténors » qui, ayant le pouvoir, ne savent plus ce qu’est le bien ou le mal.
S’il a bien abusé de cette malheureuse femme de ménage de son palace, Strauss-Kahn ne doit toujours pas comprendre, du fond de sa cellule new-yorkaise, ce qu’on lui reproche. Comme Eric Woerth –et la comparaison est, bien sûr, excessive- ne comprend toujours pas qu’on ait osé lui reprocher d’avoir confondu ses fonctions de ministre du Budget et de trésorier de l’UMP ou d’avoir fait embaucher sa femme par Liliane Bettencourt.
Mais on peut aussi se demander si DSK, après avoir violé une femme de ménage du Sofitel de Paris, se retrouverait ce soir à Fleury-Mérogis.
Mots-clefs : DSK, présomption de culpabilité, Vie privée
18 Mai 2011 22:57 1. Sandrine
« Mais on peut aussi se demander si DSK, après avoir violé une femme de ménage du Sofitel de Paris, se retrouverait ce soir à Fleury-Mérogis. »
Bien vu Mr Desjardins.
J’ai regardé le début de l’émission C dans l’air, et je dois vous dire que Mrs Wolton et Barbier m’ont tellement excédée, qu’au bout de 30 minutes j’ai capitulé. Dommage car durant ce temps vous n’avez pas eu souvent la parole…
19 Mai 2011 5:44 2. olivier CALMEL
Tout à fait daccord avec votre analyse. Les agissements répréhensibles de nos hommes politiques ne doivent pas être cachés. Ces hommes ou femmes qui nous donnent des leçons à longueur de journée doivent être traités comme n’importe quel quidam.
19 Mai 2011 8:28 3. Anne-Sophie
J’ai suivi l’émission hier soir et vous ai trouvé remarquable – je suis ENTIEREMENT d’accord avec vous sur tous les points que vous soulevez.
Et je ne peux m’empêcher de m’interroger sur le « respect » que nous portent la classe politique et l' »élite » journalistique, pour, en toute connaissance de cause et en couvrant autant que possible les débordements innaceptables de comportement d’un homme à qui sont confiés autant de pouvoirs au niveau politiques et en terme de représentation de la France à l’étranger.
DSK est, on le sait, un homme brillant, soit. Mais pour occuper les fonctions qui lui ont été confiées, et à mon sens, toute fonction publique quelle qu’elle soit, il faut aussi posséder un minimum de morale et de décence qu’il n’a visiblement jamais eue.
Pardonnez-moi l’expression, mais je me dit qu’on nous prend – une fois de plus – pour des « cons », en osant nous présenter un tel personnage, tout brillant économiste qu’il puisse être, comme suscceptible de devenir notre prochain président et de représenter notre pays dans le monde. Et dire qu’il aurait sans doute été élu s’il n’y avait pas eu ce scandale… Quelle honte!
Merci en tout cas de vous exprimer comme vous le faites, nous avons plus que jamais besoin de voix comme la vôtre.
19 Mai 2011 9:38 4. METAYER Bruno
Rien que du bon sens, difficile de na pas partager votre point de vue …
19 Mai 2011 13:31 5. Patrick-Louis Vincent
« Si tant est que DSK soit bien coupable, son passé ne pouvait pas le laisser prévoir. »
Bah si, justement ! voir l’affaire Tristane Banon qui affirme, dès 2007 à la télévision, que DSK est déjà passé du badinage à l’agression. Pourquoi ne veut-on pas l’entendre, si ce n’est parce qu’elle montre la complaisance des médias et leur complicité !
Pour le reste, je suis d’accord avec vous, M. Desjardin. DSK, comme tant d’autres nantis ont cru à leur impunité du fait de leur position. Mais là encore, s’ils croient en leur impunité, c’est que d’autres, par le passé (Mittérand, Chirac, Dumas, Pasqua) en ont bénéficié. Et en aurait-ils profité si la presse n’avait pas été aussi indulgente à leur égard ?
La réponse est dans la question.
En France, jamais DSK n’aurait été inquiété dans une telle affaire. Pire, celui-ci aurait porté plainte pour diffamation et c’est la femme de chambre qui aurait été condamné.
Nous voyons aujourd’hui tous les effets pervers du principe qui veut la séparation entre vie privée et vie publique. Il y a lieu de réviser la copie.
19 Mai 2011 18:14 6. bertgil
Je suis bien d’accord avec vous Mr Desjardins il ne dvrait pas y avoir de séparation entre la vie privée et la vie publique.Les hommes politiques doivent avoir une moralité au dessus de tous soupçons.Une personne ne peut pas invoquer la discrétion sur ces actes de fins de journées en prétextant qu’ils relevent du domaine privé, Une personne, c’est un tout et les jugements des citoyens, embrasent le tout.Meme chose pour les journalistes dignent de ce nom,ils doivent informer honnétementl les citoyens de tous les débordements des hommes politiques.
La démocratie dans notre pays souffre ou est malmenée, parce que beaucoup de journalistes ne font pas leur travail d’informationd’une façon objective.Bien entendu c’est plus facile de se glisser dans le fil de la pensée unique,dominante, au détriment d’une information honnéte.
Il n’est qu’à observer la retenue, voir la complaisance dont bénéficie Dsk de la part des médias.
Nous l’avons échappé belle.
Je suis bien d’accord avec vous, en France, c’est la victime qui aurait eue tous les problémes.
.Notre constitution est responsable de cette campagne électorale permanente pour l’élection du président par tous les français.Je dirais méme qu’un beau parleur, démagogue a toutes les chances de ce faire élire.Elu il a tous les pouvoirs.Il faut revenir à une véritable démocratie parlementaire.Enfin on peu toujours réver.
19 Mai 2011 18:54 7. diego
La France a peut être échappé au pire. DSK président ne pouvant controler ses pulsions et sautant sur Angela Merkel au cour d’une réunion. Ce qui aurait pu amener une 4eme guerre franco-allemande… ouf !!!! on l’a échappé belle…
Plus sérieusement moi qui vit en Amérique du Sud, mais qui suit tout ce qui se passe en France et qui y vient chaque année, je peux vous dire que l’image de la France et des français , ici, en a pris un coup.
Les gens ne comprennent pas comment les médias, les politiques et même une majorité de français peut défendre DSK. De ce fait tous les français passent pour des cochons libidineux, des obsédés et des machos ( ce qui est d’ailleurs assez drôle, quand on connait le machisme dans les pays hispaniques). La presse hispanique,comme la presse américaine n’a pas été tendre avec le futur ex président français. La presse mexicaine parle même
« d’une Mexicaine parmi les victimes de Dominique Strauss-Kahn”. ..
19 Mai 2011 20:44 8. bentolila
Monsieur,
cela fait plusieurs années que nous nous sommes rencontrés sur la cote d’azur. A l’époque vous présentiez chez Hachette vos ouvrages. Je suis agriculteur en Charente depuis, mais je continue à lire vos livres et votre blog. Et ce soir je vous répond à propos de l’affaire médiatique actuel. Je ne suis pas socialiste, mais j’aides convictions libérales. Je n’ai jamais apprécié DSK et les autres. Mais je pense que cette affaire doit réveiller en nous; la conviction que nous sommes seul au monde. Les medias et politiques sont entièrements responsables de ces derives. Notre société est devenu un conurbanisation sans lien et sans rapport entre chacun. L’année prochaine je pense et espère un réveil.
Cordialement
20 Mai 2011 7:51 9. diane
En même temps je suis d’accord avec ce que vous rappelez : un séducteur n’est pas un violeur… et réciproquement…c’est incompatible… ça ne tient pas la route ces accusations…