Certains nostalgiques de Dominique Strauss-Kahn, désormais un peu à bout d’argument, s’indignent aujourd’hui du traitement que la justice américaine a imposé, impose et va sans doute imposer à l’ancien directeur du FMI.
Ils rappellent que DSK est, pour l’instant, « présumé innocent » (ce en quoi ils ont parfaitement raison) et ils se disent donc scandalisés que la police new-yorkaise l’ait menotté et que les magistrats américains aient laissé les caméras du monde entier le filmer mal rasé, la mine défaite, le regard affolé pendant sa première comparution, comme un vulgaire coupable.
Il faut savoir que c’est là le traitement imposé à tous les présumés innocents de l’autre côté de l’Atlantique. Il aurait donc été choquant que DSK puisse bénéficier d’un traitement de faveur puisqu’il était trainé devant ce tribunal non pas en tant que directeur général démissionnaire du FMI, ni même en tant que candidat grandissime favori pour les élections présidentielles françaises mais en tant qu’accusé d’un viol, ce qui n’est tout de même pas rien
Depuis cinq jours, nous voyons sur tous les plateaux de toutes nos chaînes de télévision des « experts » qui nous expliquent savamment les différences entre la justice française et la justice américaine. Tous ou presque nous démontrent que notre justice est infiniment plus respectueuse de la dignité humaine, de cette fameuse présomption d’innocence, du secret de l’instruction, de l’égalité des justiciables devant la loi, etc., etc.
Il faut bien reconnaître que ces cours comparatifs de droit pénal sont un peu théoriques. Ce que le « brave peuple » voudrait savoir c’est ce qui se serait passé si Dominique Strauss-Kahn avait été accusé par une femme de ménage d’un palace parisien des mêmes faits.
Et bien ce n’est pas difficile à savoir. En juillet 1996, Patrick Balkany, député-maire de Levallois-Perret, a été accusé par une conseillère municipale de Boulogne-Billancourt de lui avoir « imposé une fellation sous la menace d’une arme de poing ». La plainte a été déposée par la jeune femme à la 1ère division de la Police judiciaire. D’après le peu qu’on sait, c’est à peu près ce que reproche aujourd’hui la jeune guinéenne à Strauss-Kahn, le revolver en moins.
On nous dit que DSK risque, s’il est reconnu coupable, et s’il n’y a pas d’arrangement à l’amiable entre les deux parties, jusqu’à 74 ans de prison. C’est, en effet, beaucoup puisque, comme l’a élégamment souligné Jack Lang, « il n’y a pas eu mort d’homme ».
Mais qu’est-il arrivé à Patrick Balkany, « présumé coupable » du même crime ? La justice française a-t-elle fait son travail mieux que ne s’apprête à le faire la justice américaine ?
L’affaire a été classée sans suite. Aujourd’hui, Patrick Balkany se pavane, cigare au bec, aux côtés de son ami Nicolas Sarkozy, dans les palais dorés de la République.
On dira qu’il a eu de petits problèmes. C’est vrai. Il a été entendu par la police pour une affaire d’emplois fictifs dans une société d’économie mixte de sa ville, il a été mouillé jusqu’aux yeux dans l’affaire Schuller, il a été poursuivi pour trafic d’influence et complicité dans l’affaire de l’office HLM des Hauts-de-Seine, il a été condamné à 15 mois de prison avec sursis et à 2 ans d’inéligibilité pour avoir employé des agents de sa commune dans ses résidences privées, ce qui l’a incité à s’exiler pendant quelques mois à Saint Martin, l’île paradisiaque des milliardaires.
Mais il est bien vite redevenu député-maire de Levallois-Perret. Ce qui prouve que la justice française fait bien son métier, qu’elle ne persécute pas inutilement les puissants, que notre démocratie se porte à merveille et que nous pouvons donner des leçons aux Américains.
Si jamais Strauss-Kahn a bien violé une pauvre femme de ménage, sa seule erreur est de l’avoir fait à New-York et pas à Paris.

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