Tout le monde est d’accord pour le dire, si Villepin n’était pas Villepin, il aurait un boulevard devant lui.
Les électeurs de droite, c’est-à-dire tous ceux qui, se souvenant des expériences passées, ne souhaitent pas que la gauche l’emporte parce qu’ils n’ont pas envie de voir l’Etat s’occuper (mal) de tout, les impôts encore augmenter et l’assistanat se généraliser davantage, sont depuis des mois à la recherche d’un homme providentiel.
Dire que Nicolas Sarkozy a « déçu » serait un euphémisme. Il est devenu totalement insupportable à l’écrasante majorité de ceux qui sont censés être son électorat. A cause de toutes ses promesses non tenues –le fameux « travailler plus pour gagner plus » et le tout aussi fameux « Etat irréprochable »- à cause de la dégradation générale de la vie des Français –le chômage, l’effondrement des classes moyennes, l’insécurité, l’école, l’hôpital, etc.- à cause de la dégringolade du pays –les déficits, la dette, le rôle de la France dans le monde- à cause aussi de sa chasse effrénée vers les voix égarées à l’extrême-droite et ses initiatives intempestives sur le tout sécuritaire, la laïcité (positive ou pas) et l’identité nationale. A cause enfin, il faut bien le dire, de sa touche, de sa dégaine, de son style. Ce type n’a jamais été foutu de… « faire président ».
La droite française cherche donc un « anti-Sarko », c’est-à-dire quelqu’un qui aurait l’étoffe et l’envergure d’un homme d’Etat et qui saurait que les « valeurs » de la droite ne sont ni la répression ni la xénophobie mais bien la liberté, le respect à la lettre de l’Etat de droit, un Etat juste et qui s’en tient à ses pouvoirs régaliens, et la solidarité. Le tout avec, en prime, une petite envie de redonner à la France un peu de sa grandeur d’antan.
On peut raconter ce qu’on veut mais les Français, et en tous les cas ceux de droite, sont irrémédiablement nostalgiques de de Gaulle. Et il est vrai que la situation d’aujourd’hui rappelle cruellement celle de 1958 avec un pays étouffé par ses déficits, un Etat et des services publics à la dérive, une classe politique discréditée et rejetée, une ambiance de jacquerie un peu partout et une image de la France déplorable.
Les Français veulent un sursaut, un réveil, autant dire un grand homme. Certains s’étonnent du succès actuel du Front National. Ils ont oublié qu’en 1956 l’extrême-droite poujadiste avait fait une entrée tonitruante à l’Assemblée avec une cinquantaine d’élus dont un jeune garçon du nom de Jean-Marie Le Pen. Les succès de l’extrême-droite sont toujours la preuve du pourrissement du pays.
Seulement voilà, cette fois, nous manquons cruellement d’un « sauveur de la France ». Pas le moindre ermite en vue, ni du côté de Colombey-les-deux-Eglises ni ailleurs. C’est bien le désert et aucun grand homme ne semble le traverser.
Et qu’on ne nous raconte pas qu’un Borloo, un Morin, un Bayrou ou un Dupont-Aignan pourrait faire l’affaire. Ni même un Fillon ou un Copé.
Alors pourquoi pas Villepin ?
D’accord, il a une particule, des allures d’aristo insupportables, une morgue volontiers méprisante pour la piétaille des élus et il écrit des poèmes illisibles. D’ accord, il a conseillé à Chirac la dissolution catastrophique de 1997 et, devenu premier ministre par la seule grâce du même Chirac, il s’est entêté avec le CPE (qui n’était pas une si mauvaise idée) jusqu’à faire descendre dans la rue des centaines de milliers de jeunes furieux (et manipulés par les syndicats).
Mais non seulement il a prononcé son superbe discours de l’ONU mais en plus il a de l’allure, une conception républicaine de l’Etat fort et sa droite à lui reprend les trois mots clés de Liberté, Egalité, Fraternité, trois mots que Sarkozy a piétinés avec rage et avec ses petites talonnettes depuis le début de son quinquennat.
Naturellement, aujourd’hui il est bien seul et les sondages ne lui accordent, dans le meilleur des cas, qu’un petit 10%, le score que faisait Chirac… six mois avant sa réélection triomphale de 2002.
Cette semaine, Villepin va présenter son programme. Il faudra l’écouter. On ne sait jamais. Pour la droite, il pourrait devenir si ce n’est un homme providentiel du moins un homme recours.
Certains vont lui reprocher de vouloir faire battre Sarkozy. Il faut reconnaître que cela part plutôt d’un bon sentiment. On va alors l’accuser de faire le jeu de la gauche. Mais en se présentant il offre « une alternative », comme il le dit lui-même, non seulement à Sarkozy mais aussi à DSK.
Une présidentielle c’est la rencontre d’un homme et du peuple. Pour l’instant, dans ses rencontres, il n’y a pas beaucoup de peuple. Il va être intéressa nt de l’observer à l’épreuve de la campagne.
Certes, Villepin n’est pas de Gaulle mais il n’est pas non plus Sarkozy et ça c’est déjà très bien. Et il n’est pas dit qu’il soit ridicule au soir du premier tour.

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