C’est une affaire qui va, évidemment, faire du bruit dans le petit monde du football. Et peut-être même un peu à coté.
Selon le site Médiapart, les plus hautes autorités du football, en clair les dirigeants de la très officielle Fédération Française de Football, trouveraient qu’il y a beaucoup trop de Noirs et d’Arabes dans les équipes de notre sport national. C’est déjà ce qu’avait pensé Jean-Marie Le Pen. Mais la Fédération de Football ayant plus de pouvoir que l’ancien patron du Front National sur les terrains de football, elle aurait –dans le plus grand secret, bien sûr- donné des instructions à tous les clubs, à tous les centres de formation et à toutes les écoles de football pour qu’on « blanchisse » un peu les équipes.
Il va sans dire, même si, en effet, il y a beaucoup de Noirs et d’Arabes dans notre équipe nationale, et dans les autres, que cette attitude est à la fois absurde et scandaleuse.
Absurde, parce que si on a un peu de mémoire (sans être d’ailleurs un spécialiste du ballon rond) on se souvient que l’équipe de France qui a remporté la coupe du monde en 1998 comptait un bon nombre de Noirs et d’Arabes et que cette victoire, « Black, Blanc, Beur », avait permis l’une des rares « retrouvailles de tout le peuple de France » sur les Champs Elysées. Il est vraisemblable que, si on avait éliminé Zidane et ses copains maghrébins ou africains de l’équipe tricolore parce que trop noirs ou trop arabes, le résultat n’aurait pas été le même.
D’ailleurs, nous avons aussi, dans d’autres sports, en athlétisme ou même en escrime, quelques grands champions un peu basanés qui font retentir la Marseillaise aux quatre coins de la planète et dont il serait sans doute absurde de se priver.
Mais cette affaire est surtout scandaleuse. C’est le principe même de l’apartheid, jadis cher aux Sud-Africains et qui les avait bannis de toutes les rencontres internationales.
Mis à part les problèmes d’argent qui ont, bien souvent, pourri le sport et en particulier le football, les stades sont encore l’un des lieux où toutes les communautés peuvent se retrouver dans une atmosphère relativement fraternelle et où l’on s’étripe non pas pour la couleur de la peau mais pour celle des maillots, ce qui est tout de même un progrès.
Ajoutons que le sport et notamment le football est un des meilleurs moyens de calmer l’impatience, la rancœur, voire la rage de bien des jeunes issus de l’immigration et végétant dans des conditions souvent épouvantables dans nos cités de non-droit où nous sommes incapables de leur offrir une formation, un métier, un avenir. Imagine-t-on l’effet que pourrait produire dans le sinistre 9.3, la Seine-Saint-Denis, l’annonce que, désormais, il n’y aura pas plus de 50% de joueurs noirs ou arabes dans nos équipes de football. Les charmants bambins ont déjà mis le feu à nos banlieues pour moins que ça.
Seulement voilà… L’instauration de « quotas discriminatoires raciaux » dans les clubs de football ne serait jamais que la mise en pratique de la politique voulue par le président de la République en personne. Eh oui !
Cela fait des années que Nicolas Sarkozy nous tanne avec son absurde « discrimination positive », qu’il nomme à des postes importants des incompétents, simplement parce qu’ils sont noirs de peau ou qu’ils portent des noms à consonance exotique, qu’il veut des quotas de Noirs et d’Arabes dans les grandes écoles.
Il nous répète inlassablement qu’il n’y a pas assez de « diversité » dans nos élites. C’est exactement ce que pensent certains amateurs et professionnels du football. Il trouve qu’il n’y a pas assez de Blacks et de Beurs dans le postes-clés du pays. Ils trouvent, eux, qu’il n’y a pas assez de Blancs dans nos équipes de football.
On veut espérer que ce dérapage –si tant est qu’il ait bien eu lieu- des dirigeants de la F.F.F. ouvrira les yeux du président. La discrimination, qu’elle soit positive ou négative, est intolérable dans une république « qui assure l’égalité devant la loi de tous ses citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ». C’est le préambule de la Constitution. On peut éventuellement comprendre que les footballeurs ne l’aient pas tous lu. Mais c’est impardonnable de la part du chef de l’Etat.
A moins qu’on nous dise, mais alors il faudra nous le dire officiellement, que la discrimination contre les Noirs et les Arabes est un délit alors que celle contre les Blancs est parfaitement normale, voire souhaitable au nom de la diversité.
Fernand Duchaussoy, le président de la Fédération Française de Football et Laurent Blanc, le bien nommé sélectionneur de l’équipe de France, ont naturellement démenti avec l’énergie du désespoir toutes les informations de Médiapart. Personne n’en croit rien.
On veut simplement espérer que cette « bourde » (scandaleuse, redisons-le) fera comprendre à Sarkozy l’absurdité de ses théories fumeuses et qu’il finira par réaliser qu’en voulant à tout prix innover sur les thèmes de la diversité, de la laïcité ou de l’identité nationale, il manie imprudemment le pire des boomerangs.
Là, la FFF lui a infligé un carton rouge qu’il n’a pas volé.

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