Il avait tout raté jusqu’à présent, il va peut-être réussir à déclencher une guerre. Le Conseil de sécurité de l’ONU vient de décider de suivre Sarkozy dans son aventure militaire contre la Libye. Dix de ses membres sur quinze ont dit « oui » à la résolution franco-britannique qui autorise des frappes aériennes sur les sites stratégiques de Khadafy. Seuls se sont abstenus et excusez du peu : la Russie, la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Allemagne.
Il va naturellement nous raconter que, grâce à lui, le monde se précipite au secours d’une population qu’un dictateur fou était en train de massacrer.
On peut, bien sûr, espérer que, devant la menace, le « guide suprême » libyen arrêtera ses troupes, proclamera un cessez-le-feu et cherchera à négocier avec ses rebelles. On aurait alors deux Libye face-à-face : à l’Ouest, celle des tribus fidèles à Khadafy autour de Tripoli, à l’Est, celle des tribus insurgées autour de Bengazi. Ce serait le retour à la géographie et à l’histoire. L’Ouest de la Libye fait partie du Maghreb avec la Tripolitaine de jadis, l’Est fait déjà partie du Proche-Orient autour de la Cyrénaïque d’autrefois. Une situation fragile et donc dangereuse et d’autant plus qu’il y a du pétrole.
Mais peut-on sérieusement imaginer que Khadafy accepte de capituler ainsi alors qu’il était sur le point de l’emporter sur son insurrection ?
Si les aviations française, britannique et américaine commencent à bombarder les sites stratégiques libyens pourront-elles arrêter l’offensive de Khadafy au sol, les massacres à Bengazi, la répression un peu partout ? Combien feront-elles de victimes (de plus) ? Ne serons-nous pas entraînés dans une escalade qui nous obligera à mener des opérations à terre pour aller déloger Khadafy jusque dans les souterrains de ses palais ?
On veut croire que tout notre dispositif anti-terrorisme a été mis en alerte maximum à travers tout le pays et que tous les avions et tous les navires qui fréquentent la Méditerranée ont pris des dispositions nécessaires à leur sécurité car Khadafy est un expert en terrorisme, on semble l’avoir oublié.
Quelle sera la réaction des foules arabes devant une telle agression menée par « les puissances impérialistes » contre « le guide de la révolution libyenne » ? Jamais Nasser (que l’Occident qualifiait aussi de « fou furieux ») n’a été aussi populaire du Maroc à l’Irak qu’au lendemain de ses défaites de 1956, la guerre de Suez, ou de 1967, les Six jours.
En écoutant Juppé cette nuit au Conseil de sécurité, on entendait, comme en écho, un autre ministre des Affaires étrangères français s’écrier au même endroit : « A ceux qui se demandent avec angoisse quand et comment nous allons céder à la guerre, je voudrais dire que, dans ce temple des Nations-Unies, nous sommes les gardiens d’un idéal, nous sommes les gardiens d’une conscience. La lourde responsabilité et l’immense honneur qui sont les nôtres doivent nous conduire à donner la priorité au désarmement dans la paix. Et c’est un vieux pays, la France, d’un vieux continent comme le mien, l’Europe, qui vous le dit ».
C’était Villepin, le 14 février 2003. Il s’opposait au bombardement des sites stratégiques de l’Irak de Saddam Hussein. On ne l’a pas écouté. Les Américains ont bombardé les sites stratégiques, ont envahi l’Irak, ont capturé Saddam Hussein et, après des années de guerre, des milliers de morts, sont repartis en laissant un pays en ruines et déchiré.
La France a eu sûrement plus de prestige à travers le monde, ce soir de février 2003, qu’elle n’en a aujourd’hui.
Sarkozy pense sans doute davantage aux électeurs de 2012 qu’aux habitants de Bengazi. Le tout est donc de savoir si, dans un an, les Français approuveront toujours son bellicisme.

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