Cette campagne présidentielle pour 2012 qui a déjà commencé est tout de même bien curieuse. Le « sortant » fait figure de « challengeur » et personne ne parierait un sou sur ses chances de l’emporter et le « favori » donné déjà vainqueur par KO (les sondages parlent de 60/40) continue à jouer l’arlésienne.
Depuis 24 heures, tout le monde spécule sur une petite phrase qu’a lâchée Anne Sinclair. La brave dame ne souhaite pas que son mari fasse un second mandat à la tête du FMI. Pour certains cette (fausse) confidence signifie que DSK sera bel et bien candidat en 2012 et donc qu’il se sera prononcé avant le 13 juillet, date limite du dépôt des candidatures aux primaires de la gauche, selon le calendrier établi par Martine Aubry. Pour d’autres, beaucoup plus rares, ces quelques mots pourraient laisser comprendre qu’Anne Sinclair souhaite simplement retrouver son mari (qu’on dit un peu volage) pour elle toute seule dans une retraite paisible et sans doute dorée.
A quoi joue-t-on ? S’imaginent-ils qu’ils vont nous faire craquer nerveusement ? Tous les Français ont parfaitement compris depuis belle lurette que DSK sera candidat. La seule petite surprise serait qu’il soit –on pourrait presque dire « comme d’habitude »- battu lors des primaires. L’appareil du PS n’a jamais aimé ce grand bourgeois au ton un peu trop professoral et chantre de la social-démocratie, Martine Aubry qui rêve, évidemment, d’être la première femme élue à l’Elysée a bien pris en main le parti et Hollande qui, et pour cause, connaît mieux que personne les coulisses de la rue Solferino grignote, mine de rien, du terrain.
Donné vainqueur, en 2002, Jospin a été éliminé au premier tour. DSK, donné super-vainqueur en 2012, pourrait-il être éliminé dès les primaires ? Avec le PS, on peut s’attendre à tout. Mais il ne faut pas oublier que les militants du PS avaient, contre toute logique, choisi Ségolène Royal en 2007 simplement parce que les sondages en avaient fait l’icône du moment. Depuis, ils regrettent amèrement de ne pas avoir choisi DSK et comme celui-ci est désormais donné « déjà élu » par toutes les enquêtes d’opinion, ils vont sans doute oublier bien vite son appartement de la Place des Vosges, son palais de Marrakech, sa Mercédès 600 et sa propension à prôner la rigueur, l’austérité et les coupes dans les budgets sociaux.
Il n’empêche que le silence prolongé du patron du FMI, agrémenté de petites phrases sibyllines, et les minauderies de ses partisans deviennent insupportables même si chacun comprend que le directeur du FMI doit, en tant que tel, rester discret sur ses ambitions nationales. DSK commence à baisser dans les sondages.
Sarkozy n’est pas astreint à une même discrétion. Et c’est sans doute dommage pour lui. Maintenant, chaque fois qu’il ouvre la bouche, il déclenche une polémique. On vient encore de le voir avec l’affaire des magistrats. Il a fait une gaffe et il a déclenché une tempête sans précédent dans tous les tribunaux du pays.
L’incident est d’ailleurs très révélateur. Sur le fond, on ne peut pas dire qu’il ait eu tort. Il est évident qu’il y a un problème de la Justice, que les Français ne font absolument plus confiance en la Justice de leur pays, qu’il y a eu trop de scandales, de magouilles, d’injustices dans nos tribunaux. Tout comme il est évident qu’il est scandaleux que les magistrats (comme tous les autres fonctionnaires) soient protégés par une immunité totale et corporatiste qui les protège de toute sanction quelles que soient les fautes qu’ils aient pu commettre.
Seulement voilà… un chef de l’Etat ne peut pas désigner des coupables, parler de « présumés coupables » (une formule bien malheureuse, inventée par Hortefeux, dans un pays où les accusés sont, par définition et heureusement, des « présumés innocents ») et évoquer des sanctions avant même que la moindre enquête n’ait été ouverte. Une fois de plus, Sarkozy s’est laissé emporter par son naturel.
Et puis, il faut bien le constater, cela fait des mois, pour ne pas dire quatre ans, que, dès qu’il ouvre la bouche, il réveille et aiguillonne toutes les déceptions, toutes les aigreurs, toutes rancoeurs d’une catégorie ou d’une autre de Français. On nous a dit qu’il était parti « à la reconquête de son électorat ». Mais, qu’il s’adresse aux agriculteurs, aux enseignants, au corps médical, aux militaires ou aux magistrats, tous lui rappellent aussitôt ses promesses non tenues, la baisse des aides, la baisse des effectifs, la détérioration de leurs conditions de travail et de vie.
Les magistrats s’indignent de propos, en effet, inadmissibles mais leur colère a pour origine les balbutiements de la politique incohérente entamée par Rachida Dati, avec une réforme autoritaire de la carte judicaire, des menaces (oubliées) de suppression du juge d’instruction, l’annonce de la présence (matériellement impossible) de citoyens dans les jurys, etc. On comprend que les magistrats qui travaillent déjà dans des conditions matérielles déplorables en aient assez.
Les propos malheureux à propos du drame de la jeune Laetitia n’ont été que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
Aujourd’hui pour Sarkozy, le vase est plein et chacune de ses paroles est une goutte d’eau.
On attend avec curiosité la gaffe-goutte d’eau de ce soir quand sur TF1 il va répondre aux questions d’un panel de Français…
Qui va-t-il se mettre à dos ?

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