On savait déjà que les Nicolas Sarkozy-Carla Bruni Sarkozy avaient passé les fêtes à Marrakech, chez « notre ami » le roi du Maroc. Le Canard enchaîné nous apprend aujourd’hui que les Michèle Alliot-Marie-Patrick Ollier ont réveillonné en Tunisie, chez « notre (ancien) ami » Ben Ali. On ne reprochera donc pas à nos dirigeants de pratiquer l’arabophobie. On ne sait pas s’ils aiment vraiment les Arabes mais ils adorent visiblement le soleil et les palaces maghrébins.
Que notre ministre des Affaires Etrangères et son compagnon (qui est, on ne le sait pas toujours et on se demande bien pourquoi, ministre des Relations avec le Parlement) aient célébré la nouvelle année chez Ben Ali aux frais d’un oligarque de ce régime corrompu qui leur a offert l’avion privé, le gite et le couvert nous explique enfin l’inexplicable.
Avec beaucoup de naïveté, nous avions été scandalisés que Michèle Alliot-Marie ait, le 11 janvier, l’odieuse imbécilité de proposer à Ben Ali de lui envoyer des CRS pour mâter « la Révolution de jasmin » alors que les foules de contestataires envahissaient les rues tunisiennes et qu’on dénombrait déjà plusieurs dizaines de morts.
Oubliant qu’elle n’était plus ministre de l’Intérieur et ignorant sans doute qu’elle était devenue ministre des Affaires Etrangères, Alliot-Marie avait offert à Ben Ali « le savoir-faire » (sic !) de nos policiers en matière de maintien de l’ordre et de répression. C’était à la fois scandaleux et absurde. Scandaleux, parce que si la France a un ultime reste de petit poids sur la scène internationale c’est parce que certains lui attribuent encore l’image du « pays des Droits de l’Homme » (image bien détériorée, il faut le dire, depuis quelques années). Absurde, parce que le régime de Ben Ali était déjà condamné et que Madame Ben Ali faisait déjà ses valises avec ses lingots.
Mais on ignorait que Michèle Alliot-Marie et sa famille venaient de se goberger à Tabarka aux frais de Aziz Miled un milliardaire propriétaire, notamment, d’une compagnie aérienne et d’une chaîne de palaces et principal associé de Belhassen Trabelsi, beau-frère de Ben Ali. C’était donc la moindre des choses qu’elle dise merci. D’habitude, dans ces cas-là, on envoie une boite de chocolats. Elle, elle voulait envoyer trois compagnies de CRS.
On peut, d’abord, s’étonner que nos dirigeants, toutes couleurs confondues, aient ainsi pris l’habitude d’aller se dorer au soleil dans des pays incertains et aux régimes contestés. Même si ces régimes vont, bien sûr, leur réserver un accueil royal, ici, dictatorial, là. A croire que l’idée de « se compromettre » n’a plus aucune signification pour eux. Comme s’ils en avaient trop pris l’habitude.
Ensuite, ce qui est stupéfiant dans le cas de Michèle Alliot-Marie c’est qu’on découvre ainsi que notre ministre des Affaires Etrangères ne lit ni la presse, ni les agences, ni même les dépêches diplomatiques que lui envoient nos ambassades.
La Révolution de jasmin a commencé le 15 décembre. Dès le 20, certains Français de Tunisie évacuaient le pays. Michèle Alliot-Marie, Patrick Ollier et leurs gosses partaient pour Tunis le 26 décembre. Comme si de rien n’était ! Au courant de rien, notre ministre des Affaires étrangères ! En tous les cas, ce n’étaient pas quelques manifestations de pouilleux qui allaient lui gâcher ses vacances !
Aujourd’hui, le cabinet d’Alliot-Marie nous affirme qu’Aziz Miled ne faisait pas partie du « clan Ben Ali », qu’il était même une sorte d’opposant au régime. Si la Suisse vient de bloquer tous ses comptes, comme ceux de la famille Ben Ali, c’est évidemment par erreur…
Alliot-Marie symbolise jusqu’à la caricature l’attitude de Paris. Non seulement elle n’a rien vu venir, non seulement elle n’a pas compris que quand un jeune tunisien au chômage s’était immolé par le feu, il avait déclenché un gigantesque incendie qui allait bouleverser tout le monde arabe, mais en plus, inconsciente et sans pudeur, elle s’est compromise jusqu’au dernier moment.
Ce qui s’est passé en Tunisie, ce qui se passe en Egypte, ce qui va se passer, sans doute, au Yémen, en Jordanie et, peut-être, en Algérie, au Maroc et en Syrie apparaît à la fois comme une victoire de la liberté et comme une défaite des démocraties. Parce qu’elles n’ont rien compris et qu’elles ont préféré aller se dorer au soleil des dictatures plutôt que d’être fidèles aux grands principes qui devraient être les nôtres.
Allez, Alliot-Marie, dégage !

Mots-clefs : ,