Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture, vient de retirer le nom de Céline de la liste des personnalités dont on va commémorer la mort en cette année 2011. Céline est mort en 1961. La directrice de l’Ecole Normale Supérieure vient d’annuler un colloque qui devait se tenir dans les locaux de la prestigieuse école, évoquer la situation à Gaza et auquel devait participer un ancien élève, Stéphane Hessel. Eric Zemmour, poursuivi pour incitation à la haine raciale, attend, lui, le verdict que doit prononcer la 17ème chambre du tribunal correctionnel à son sujet.
Aucun rapport entre ces trois informations ? Si !
Tout le monde reconnaît que Céline est un immense écrivain (on le compare à Proust) mais… qu’il a écrit des textes ignobles révélant un antisémitisme intolérable.
Tout le monde reconnait que Stéphane Hessel a été un très grand résistant, qu’il est aujourd’hui « une figure morale » du pays mais… on lui reproche, si ce d’être antisémite (il est juif) du moins de prendre la défense des Palestiniens et donc d’être antisioniste.
Tout le monde reconnait que Zemmour est un bon journaliste –plus polémiste que journaliste d’ailleurs- mais… on lui reproche d’avoir osé affirmer que les Noirs et les Arabes étaient surreprésentés parmi nos criminels et nos délinquants.
On peut évidemment discuter indéfiniment pour savoir si la République peut commémorer, honorer, célébrer un très grand écrivain foncièrement antisémite. On peut d’ailleurs se demander si, en épluchant de très près tous les textes d’un grand nombre de nos très grands auteurs, on ne trouverait pas, bien souvent, des relents d’antisémitisme, parfois odieux.
On peut aussi de demander si cette manie très française de célébrer les cinquantenaires, les centenaires, voire les bicentenaires de nos grands hommes et de nos grands événements n’est pas totalement ridicule. A croire que nous n’avons plus rien à nous mettre sous la dent, que nous n’osons pas regarder l’avenir et qu’il faut, éternellement, que nous rabâchions nos gloires passées pour justifier notre médiocrité d’aujourd’hui.
On pourrait aussi ouvrir un vrai débat sur Israël et les Palestiniens, rappeler qu’on a finalement fait payer aux Palestiniens(qui n’y étaient pour rien) les horreurs épouvantables que l’Europe avait fait subir aux Juifs et que la belle phrase de Théodore Herzl « donner une terre sans peuple à un peuple sans terre » (qui est à l’origine du sionisme) était une monstruosité puisque la terre en question avait un peuple, les Palestiniens.
Le débat serait forcément animé car si tout le monde, ou presque, reconnaît qu’Israël a le droit d’avoir « des frontières sûres et reconnues », de plus en plus nombreux sont ceux qui pensent qu’Israël ne pourra vivre en paix que le jour où les Palestiniens auront, eux aussi, leur patrie..
Enfin on pourrait aussi discuter des propos de Zemmour. Encore faudrait-il que les chiffres de la délinquance et l’origine des délinquants ne soient plus des « secret d’Etat ».
Mais là n’est pas le problème. Le problème est que, cette semaine, en France, on a censuré un grand écrivain, un débat, un journaliste. Ca commence à faire beaucoup dans le pays de « toutes les libertés ». Même si le grand écrivain est à bien des égards contestable, le débat évidemment difficile et le journaliste souvent provocateur !
Des organisations dont on ignore la représentativité et dont on ne voit pas de quel droit elles s’érigent en arbitre de la morale publique ont réussi à faire céder un ministre, la directrice d’une des grandes écoles le plus prestigieuses du pays et la justice. Mais dans quel pays vivons-nous ?
Alors qu’on ne nous parle plus de la liberté d’expression, Et contentons-nous de rappeler, une fois de plus, que l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme affirme : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme ».
« Messieurs les censeurs, bonsoir ! », comme avait dit, un soir, Clavel à la télévision.

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