Nicolas Sarkozy est actuellement au Maroc où il prend quelques jours de vacances au soleil, loin du froid et de la neige que nous connaissons. Personne ne le lui reprochera. Nous sommes même rassurés d’apprendre ainsi que les pistes de Villacoublay ont pu être déneigées à temps et que le bel avion que le président vient de s’offrir n’a pas eu de problème de dégivrage.
Nous ne savons pas où se trouve Henri Guaino. Or, c’est lui qui prépare le discours de vœux que le chef de l’Etat va, conformément à la tradition, nous adresser vendredi soir. Où qu’il soit, Guaino doit moins rigoler que son patron car l’exercice auquel il lui faut se livrer n’est pas de tout repos.
Les vœux d’un président consistent à dresser un bilan de l’année écoulée et à annoncer des projets pour l’année à venir. En clair, à faire de l’autosatisfaction et à lancer quelques promesses en l’air. Deux domaines dans lesquels, il faut le lui accorder, Nicolas Sarkozy est passé maître depuis longtemps.
Mais cette année, les choses vont être tout de même particulièrement difficiles. Pauvre Guaino, il doit ramer sur sa feuille blanche !
2010 a été « une année horrible » pour Sarkozy. Il a dégringolé dans tous les sondages tout au fil des mois, il a perdu les élections régionales, il a été « infoutu » de procéder au remaniement ministériel qu’il nous avait fait miroiter pendant des mois, il a dû capituler devant Fillon, en le laissant à Matignon, et devant Copé, en lui donnant l’UMP, il a été obligé de renoncer à sa grande idée de « l’ouverture », en virant les Kouchner, Bockel, Fadela Amara et autres, et à celle de « la diversité », en virant Rama Yade, il s’est même fâché avec les centristes qui vont maintenant entrer en dissidence ouverte autour de Borloo.
Sur le plan, politique, celui qui nous annonçait « la rupture » se retrouve avec l’entourage… de Chirac : Michèle Alliot-Marie, Alain Juppé, Baroin, etc. Ca nous a rajeunis de quelques années, mais ça lui a donné un sérieux coup de vieux. Pas de quoi pavoiser.
Mais les Français retiendront surtout de cette année qu’elle a été celle de tous les scandales : affaire Clearstream, affaire Bettencourt-Woerth, affaire de Karachi et même affaire du Médiator. Nous les avons accumulées.
Pour la première, la justice a donné raison à Villepin en l’innocentant totalement et l’opinion a donné tort à Sarkozy en apprenant qu’il y avait appel de ce jugement. Pour la deuxième, les Français ont bien vite oublié les démêlés familiaux des Bettencourt mère et fille pour ne plus se passionner que du cas de Woerth, « le caissier » de l’UMP, c’est-à-dire de Sarkozy. Pour la troisième, tout le monde a bien vite été convaincu que le ministre du budget-porte-parole de Balladur en 1995, Sarkozy lui-même, avait bel et bien monté une vaste opération de rétro-commissions pour financer la campagne présidentielle de son candidat. Et pour la quatrième chacun s’étonne des lenteurs qu’il a fallu à notre administration pour interdire ce médicament alors qu’il provoquait des morts par centaines et nombreux sont ceux qui n’y voient qu’une seule explication : l’avocat du laboratoire Servier n’était autre que Sarkozy lui-même.
Bref, dans les quatre affaires qui ont pourri toute l’actualité de cette année, le président de la République apparaît en accusé pour ne pas dire en coupable, lui qui nous avait pourtant promis « une République irréprochable ». Jamais aucun président de la République n’a été « mouillé » dans autant de scandales. On voit donc mal Guaino les faire apparaître dans l’intervention présidentielle.
Restent la politique sécuritaire et la réforme des retraites. « La spécialité du chef » et « le succès de l’année ». Guaino va sans doute en faire « des tartines ».
Mais « le chef » en a trop rajouté dans sa spécialité et le plat qu’il aime tant nous servir et nous resservir est devenu totalement indigeste. Avec son discours de Grenoble, il voulait rassurer son électorat et faire des « risettes » à l’extrême-droite. En dérapant dans la xénophobie, dans la chasse aux Roms, dans les menaces aux Français « de fraîche date », il a soulevé le cœur d’une grande majorité des Français qui avaient déjà été scandalisés par l’odieuse (et absurde) opération sur « l’identité nationale ».
Guaino va donc marcher sur des œufs en évoquant le sujet et d’autant plus que les Français savent parfaitement que la délinquance et la criminalité n’ont fait qu’augmenter tout au cours de l’année, en dépit des fanfaronnades présidentielles.
La réforme des retraites a été adoptée, c’est un fait. Mais peut-on vraiment parler de « succès ». Que le parlement ait approuvé le texte ne peut pas être considéré comme un succès. « Les godillots », de droite comme de gauche, votent toujours les textes que leur soumettent leurs gouvernements. Il y va de leur survie personnelle.
Le succès aurait été qu’un véritable « consensus national » se fasse autour de cette réforme qui s’imposait. Or, par idéologie, Sarkozy a préféré s’attaquer au mythe des 60 ans plutôt que de proposer une augmentation du nombre des années de cotisation nécessaires pour obtenir une retraite à taux plein que tout le monde aurait acceptée. Du coup la réforme est apparue comme foncièrement injuste et des millions de Français sont descendus dans la rue à six reprises, en moins de deux mois, ce qui ne s’était encore jamais vu dans l’histoire de la République.
Il faudra que Sarkozy ait le triomphe modeste.
Avec un tel bilan pour 2010, Guaino va, sans guère de doute, préférer que le président développe les promesses pour 2011. On aura sûrement droit à de grandes envolées lyriques sur le G8, le G20, sur la France qui va sauver la planète en imposant une gouvernance économique mondiale, une gestion commune des matières premières, une politique écologique mondiale, etc., etc.
Les Français « s’en foutent » parce qu’ils n’y croient pas. Ils savent parfaitement que Sarkozy est totalement ignoré, voire méprisé par les vrais « Grands », Washington, Pékin, Delhi, Brasilia qui considèrent ses idées comme des fariboles et qui ne l’écoutent même plus les proférer.
Et puis, nous aurons évidemment droit à un grand développement sur la dépendance et la réforme de la fiscalité. « Les deux mamelles » de l’année qui vient. Deux sujets essentiels, certes mais qui exigeraient des mois et des mois de concertation, de discussion, de réflexion. Ce sont-là des thèmes qu’on aborde en début de mandat. Pas quand commence déjà la campagne électorale pour une éventuelle réélection.
Aujourd’hui, le seul problème qui intéresse les Français est tout autre. C’est le chômage et, en face de ce drame qui ne fait que s’aggraver quels que soient tous les mensonges dont on nous gratifie, tout le reste est insignifiant. Or, les chiffres viennent de tomber. C’est épouvantable.
2.698.100 chômeurs de catégorie A + 1.321.000 chômeurs des catégories B et C + 599.500 chômeurs des catégories D et E + 253.100 chômeurs dans les DOM. Total : 4.871.700 !
Les chômeurs des catégories A, B et C ont augmenté de 5% en un an, ceux des catégories D et C de 16%. Les chômeurs de plus de 50 ans ont augmenté de 16%, pour atteindre le chiffre de 750.000, et les chômeurs inscrits depuis plus d’an ont augmenté de 21% et sont désormais 1,5 million.
Pendant sa campagne, Sarkozy s’était engagé à ramener le nombre des chômeurs à « moins de 700.000 ». Certes, il y a eu la crise. Mais, au début de cette année 2010, il nous avait affirmé « le chômage va baisser dans les semaines qui viennent ». Il s’était trompé. Incompétence ou mensonge délibéré ?
Osera-t-il nous le redire vendredi soir ? Le chômage est la seule question qui intéresse aujourd’hui les Français.

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