On l’a déjà dit et redit, les « fameux secrets d’Etat » révélés par le site Wikileaks ne sont que des secrets de Polichinelle. Les rapports confidentiels adressés par les ambassadeurs des Etats-Unis de la planète entière au Département d’Etat ne nous apprennent rien.
Nous savions déjà que Nicolas Sarkozy était « susceptible », « colérique » et « admirateur inconditionnel » de l’Amérique. Comme tous les diplomates de tous les pays, les ambassadeurs des Etats-Unis se contentent de faire savoir à Washington ce qu’ils ont lu dans la presse et ce qu’ils ont entendu dans les cocktails à la mode et les dîners mondains.
C’est d’ailleurs plutôt rassurant. Nous nous imaginons qu’on nous cache tout, qu’il se passe mille choses -et généralement des horreurs- dans les coulisses du pouvoir et quand, par hasard, nous avons accès à ce qui se trame dans notre dos, nous nous apercevons que nous le savions déjà ou du moins que nous nous en doutions.
Aujourd’hui, nous apprenons grâce à Wikileaks que, selon les diplomates américains, Omar Bongo, l’ancien potentat gabonais décédé il y a quelques mois, a détourné 30 millions d’€ de la Banque des Etats d’Afrique Centrale pour ses petits plaisirs personnels et pour arroser ses amis français et notamment Nicolas Sarkozy.
Le moins qu’on puisse dire c’est que ce n’est pas un scoop.
Tout le monde sait depuis des décennies (en fait, depuis les indépendances des années 60) que tous « les rois nègres » au pouvoir en Afrique piquent sans vergogne dans la caisse, se construisent des palais fabuleux, s’achètent des hôtels particuliers dans le XVIème et à Neuilly, des châteaux en Sologne et des résidences de (très) grand luxe sur la Côte d’Azur ou en Suisse.
Il suffit d’ailleurs de voir dans quel état se trouvent ces pays où le chômage, la misère, la famine et les épidémies s’aggravent d’année en année pour comprendre que les milliards d’aide qu’ils ont reçus depuis cinquante ans ont été détournés.
Si ces roitelets de pacotille (qui n’hésitent jamais à se transformer en tyrans sanguinaires) sont évidemment les premiers coupables de ce gigantesque scandale à l’échelle du continent noir, les « généreux donateurs » que nous sommes sont tout aussi responsables.
Non seulement nous n’avons jamais exigé que ces pays mettent en valeur les richesses naturelles parfois considérables qu’ils ont la chance de posséder et qui auraient dû leur permettre de développer rapidement leurs économies et d’offrir une vie descente à leurs populations, non seulement nous n’avons jamais contrôlé l’utilisation qu’ils faisaient des fonds que nous leur versions, mais nous avons installé, toléré et soutenu à bout de bras des régimes odieux qui laissaient croupir leurs citoyens dans le sous-développement, bafouaient ouvertement les Droits de l’Homme et toutes les règles de la démocratie et allaient même, parfois, jusqu’à nous cracher à la gueule en nous reprochant à la fois le colonialisme d’hier et le néocolonialisme d’aujourd’hui.
Mais nous n’étions pas totalement dupes. Qui dit « commissions » dit « rétro-commissions », qui dit « assistance aux pays en voie de développement » dit « rétro-assistance aux partis politiques des pays donateurs ».
« Au nom de la solidarité internationale et de l’amitié indéfectible qui unit nos deux pays, je te donne dix milliards pour développer ton malheureux pays, construire des routes, des hôpitaux, une industrie, tu en gardes trois pour toi et ta nombreuse famille, deux pour ton armée et ta police, un pour élever des statues à ta gloire et le reste tu me le renvoies, discrètement, en petites coupures et dans des valises, de préférence diplomatiques »
Cela fait cinquante ans que les « Messieurs Afrique » qui se sont succédé à l’Elysée, de droite comme de gauche, de Jacques Foccard, jadis, à Claude Guéant et Robert Bourgi aujourd’hui, en passant par le fils Mitterrand, ont ce genre de conversation avec nos « amis » africains.
La coopération c’est du donnant-donnant ou plutôt du donnant-rendant. Certains seront sans doute satisfaits d’apprendre qu’une partie des sommes folles que nous avons englouties à fonds perdu dans le développement de l’Afrique est revenue dans nos caisses ou du moins dans celles de nos partis politiques. D’autres trouveront peut-être que cette gigantesque escroquerie est insupportable.
L’Elysée va, évidemment, démentir que Sarkozy ait touché un sou de Bongo pour sa campagne présidentielle. Comme il a démenti que les rétro-commission du Pakistan aient servi à alimenter la campagne présidentielle de Balladur.
Mais alors, une seule question se pose : comment expliquer la politique africaine de la France ?

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