Le feuilleton que nous impose Nicolas Sarkozy depuis plusieurs semaines à propos de son fameux remaniement est totalement ridicule et donc affligeant.
Aujourd’hui, on nous dit que ce ne sera pas Borloo qui sera nommé à Matignon. Hier, on nous expliquait qu’il était l’homme idéal pour mener la dernière phase du quinquennat et que ce radical, homme de dialogue, pourrait à la perfection effectuer le virage social indispensable pour récupérer les voix centristes lors des présidentielles.
Depuis quelques heures, il n’est plus qu’un « zozo » (le mot serait de François Fillon lui-même), brouillon, sale sur lui, désordonné, alcoolique, irresponsable, ne connaissant pas ses dossiers, de pensant qu’à « claquer le fric » de l’Etat et qui a fait la preuve de son inconsistance et plus encore de son incompétence lors de la toute récente crise de l’essence.
Plus question donc de Borloo. A moins que… Car, bien sûr, « le président peut encore changer d’avis », selon un de ses proches.
Il faut dire qu’entre deux verres, ce bougre de Borloo se défend comme un beau diable. Il a carrément fait savoir que si Sarkozy ne lui donnait pas Matignon, il refuserait de rester au gouvernement et qu’il constituerait un groupe centriste à l’Assemblée. Ce qui laisse entendre qu’il pourrait bien être candidat à la présidentielle en 2012.
En clair, Borloo a dit à Sarkozy : « Ou tu me nommes premier ministre pour mener ta campagne présidentielle, ou je serai candidat contre toi » On voit le niveau de conviction où en sont arrivés nos dirigeants. Des mœurs de truands où tous les chantages sont bons pour assouvir ses ambitions purement personnelles. Sarkozy va-t-il avoir peur de l’alcoolique ? Borloo plus Villepin, plus Bayrou, plus Morin, plus Boutin, sans parler de Marine Le Pen, çà commencerait à faire beaucoup…
Toujours est-il qu’à la minute présente c’est Fillon qui est donné vainqueur haut la main. Hier, il était bon à jeter à la poubelle. Epuisé, gavé de couleuvres jusqu’à la gueule, terne, il était évidemment incapable de donner le nouveau souffle, l’impulsion nécessaire pour aborder la campagne présidentielle et d’autant moins qu’il avait dix points de plus que Sarkozy dans tous les sondages de popularité.
Aujourd’hui, c’est lui qui a tout pour contrebalancer l’image parfois un peu inquiétante du président. Sérieux appliqué, pondéré, il forme donc avec lui le meilleur des couples.
Ce sera donc Fillon. A moins que, bien sûr…
Tout cela, et qui dure depuis des mois, est, bien sûr, absurde. En voulant jouer au plus malin, en éveillant tous les appétits et en réveillant toutes les rancoeurs, Sarkozy a totalement pourri l’ambiance de sa majorité déjà hétéroclite au départ.
Si c’est Fillon, les centristes vont entrer en dissidence et auront beau jeu de dire que ce remaniement, annoncé à grands renforts de publicité depuis juin dernier, n’en est pas un puisque on garde le même premier ministre et qu’après le passage en force de la réforme des retraites, Sarkozy persiste dans sa volonté de refuser tout dialogue.
Si c’est Borloo, bien des élus de la droite sarkozienne qui avaient déjà eu des nausées lors de « l’ouverture à gauche » vont être pris de vomissements et commenceront à se demander si Villepin n’a pas raison de dire que Sarkozy est « un problème » pour la droite, si ce n’est pour la France.
Quant aux Français, eux, ils sont de plus en plus dégoûtés de voir le chef de l’Etat faire mine de jouer à pile ou face le choix de son premier ministre. Un président de la République nomme son premier ministre en fonction de la politique qu’il veut mener. Pas à la gueule du client, ni en écoutant les rumeurs de la ville, ni en lisant les sondages.
Or, là, tous les Français ont compris que Sarkozy s’était amusé, pendant des mois, à faire lancer des rumeurs, en recevant les uns à dîner, les autres à déjeuner. Borloo au Cap Nègre, une caresse dans le dos de Fillon, un mot aimable à Baroin, un sourire angélique à Le Maire.
Du coup, la presse, tombant dans le piège, nous expliquait doctement que le président voulait « donner à un coup de barre au centre », ou qu’il souhaitait « mettre au pouvoir la nouvelle génération », ou qu’il entendait poursuivre avec Fillon ses réformes (comme il l’avait annoncé) ou, toujours avec Fillon, faire une pause (comme il l’avait aussi annoncé).
Du coup, les sondages évoluaient et, à l’Elysée, on étudiait à la loupe les classements fluctuants de ce hit-parade stupéfiant.
Tout cela ridiculise à la fois la fonction de président et celle de premier ministre. Un président qui ne sait décidemment pas ce qu’il veut, un premier ministre qui aura été tiré au sort.
Ce soir, un habitué de l’UMP me disait : « Ce sera Fillon. Pourquoi ? Parce qu’on ne change pas une équipe qui perd »

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