Ryanair: ouvrons les yeux!
L’affaire de Ryanair que nous évoquions hier est bien plus intéressante qu’on pourrait le croire de prime abord. Elle permet d’ouvrir un vrai débat sur la conception que nous pouvons avoir, les uns et les autres, de notre monde du travail et même de notre société. Et nos amis, lecteurs de ce blog, ont ouvert ce débat.
Rappelons, d’un mot, les faits. Le patron de la compagnie aérienne à bas prix Ryanair a décidé de fermer purement et simplement sa base française (qui se trouvait à Marseille) parce qu’il était poursuivi en justice par les syndicats pour « travail dissimulé ».
La compagnie est irlandaise et son personnel marseillais était soumis à la législation du travail irlandaise, conformément à la législation européenne qui prévoit que « le personnel mobile des entreprises de transport » peut être soumis à la législation du pays d’origine de l’entreprise.
Il va sans dire que la législation du travail irlandaise est moins avantageuse pour les salariés que la législation du travail française. D’où la procédure engagée par les syndicats qui veulent ignorer les règles européennes. Ajoutons que le retrait de Ryanair de Marseille est, évidemment, une perte importante pour l’économie et le dynamisme de la région.
Et c’est ici que le débat commence. Comme toujours, il y a le point de vue des clients-consommateurs et celui des salariés.
Pour des raisons professionnelles, j’ai parcouru le monde, pendant quarante ans, en première classe, à bord des plus grandes compagnies internationales. J’ai donc pu observer, au fil des décennies, la dégringolade d’Air France, tant sur le plan des repas servis à bord que sur celui de l’élégance des hôtesses ou du style des stewards. En même temps, j’ai vu la montée en puissance des compagnies asiatiques, Japon Airlines, la Thaï, Singapore Air lines, etc. Ai-je besoin de dire que, dans ma cabine de luxe, je n’avais comme compagnons de voyage que des passagers dont les billets étaient payés par leur entreprise ou par… la République.
Or, depuis que je suis à la retraite (et donc à mes frais) je suis bien content de pouvoir encore m’offrir quelques voyages sur des compagnies « low cost », même s’il faut payer ses consommations et qu’on est beaucoup plus serré qu’en première (on était très serré à bord du Concorde). J’ajoute qu’on ne m’a encore jamais demandé de voyager debout ni même fait payer pour accéder aux toilettes.
Quant à ceux qui osent affirmer que les compagnies « low cost » sont « plus dangereuses » que les autres, on leur rappellera qu’à la suite de quelques accidents épouvantables, Air France ne fait plus partie, depuis longtemps, des compagnies les plus sûres et que Ryanair qui n’a que des appareils très récents n’a connu aucune catastrophe.
Les compagnies « low cost » sont, évidemment, un « progrès social » considérable puisqu’elles ont « démocratisé » les voyages et permis à des tas de gens qui n’en avaient pas les moyens de parcourir enfin la planète. Tout comme les grandes surfaces ont permis à beaucoup de Français aux revenus modestes d’accéder à certains biens de consommation plus ou moins courante. On peut toujours avoir la nostalgie du Faubourg Saint Honoré et du Triangle d’or, mais bien rares sont nos compatriotes qui en sont les chalands les plus habituels…
Il va sans dire que cette démocratisation du transport aérien n’a pu se faire qu’avec une gestion rigoureuse et notamment en rognant sérieusement sur les salaires et les avantages des salariés de ces compagnies à bas coût. D’où les jérémiades des personnels syndiqués.
Que les pilotes de Ryanair regrettent de ne pas avoir les salaires des pilotes d’Air France est une évidence. Mais, d’une part, ces salaires des pilotes d’Air France sont d’une indécence scandaleuse, sans parler des avantages innombrables qu’ils se sont fait octroyer (voyages pratiquement gratuits pour l’épouse, les enfants, les parents, les beaux-parents, etc.). Et, d’autre part, il faut tout de même rappeler que la plupart des grandes compagnies « officielles » ont connu et connaissent encore des difficultés économiques considérables, en raison notamment d’une gestion du personnel totalement irresponsable. Et n’oublions pas toutes celles qui ont à tout jamais disparu du ciel (la Panam, la TWA, UTA, etc.) précisément parce que, victimes de la dictature des pilotes et du personnel naviguant en général, leurs frais de fonctionnement dépassaient le raisonnable.
Certains disent qu’il faut sauvegarder « le système français ». La crise récente a démontré que ce système de protection sociale permettait d’éviter le pire dans de pareilles circonstances. Mais le « système français » consiste-t-il vraiment à protéger certaines catégories de privilégiés qui ont pu, au fil des décennies, obtenir des avantages faramineux et sans la moindre raison ? Les pilotes de ligne, les hôtesses de l’air et les stewards ne sont pas des « cas sociaux » mais des privilégiés accrochés à des « acquis » obtenus pendant l’âge d’or du voyage aérien et grâce au chantage à la grève. On peut imaginer que, dans leur grande majorité, les salariés de Ryanair étaient, malgré tout, très contents d’avoir un emploi et qu’ils sont aujourd’hui inquiets d’être « délocalisés ».
J’avoue préférer un système de liberté qui permet, à la fois, de créer de l’emploi et, en faisant jouer la concurrence, d’offrir aux plus nombreux des services qui leur étaient jusqu’à présent interdits.
D’autres nous disent qu’O’Leary n’a rien à faire en France puisqu’il ne veut pas respecter nos us et coutumes, et qu’il n’a qu’à rentrer chez lui (C’est précisément ce qu’il fait). Cette attitude, aux relents un rien xénophobes, conduit, en toute logique, à fermer le ciel français aux compagnies étrangères et à réinstaller des postes frontières tout autour du pays. Est-ce bien raisonnable ?
Le premier problème que souligne l’affaire Ryanair est celui de l’Europe. Une Europe sans frontières et où la circulation des personnes et des biens est garantie est absurde tant que les règles du jeu (sur la fiscalité et le travail, par exemple) ne sont pas les mêmes partout, pour tous. Aujourd’hui, l’Europe ressemble à un terrain de football où les uns jouent au rugby et les autres à la pétanque. C’est évidemment insupportable et ne peut que provoquer un dumping fiscal ou social à l’échelle du continent.
Le second problème, et cette fois face à la mondialisation (qu’on peut redouter, détester mais contre laquelle on ne peut rien) est celui de « l’exception française ». Nous sommes le pays au monde qui a le plus de lois (forcément liberticides), le plus de prélèvements obligatoires (écrasants) et le plus de fonctionnaires (opprimants). Ce triple carcan qui est la définition d’un système marxiste nous fait crever sur place et nous élimine de toute compétition internationale.
Il est sûrement grand temps d’ouvrir les yeux. Ce refus de remettre un tant soit peu en question notre fameux « système français » a tué notre marine marchande, notre sidérurgie, des pans entiers de notre industrie et de notre économie en général, il explique notre taux de chômage endémique, notre déficit du commerce extérieur, notre dette, les innombrables délocalisations, le découragement des investisseurs.
On peut traiter Michael O’Leary de « voyou ». Mais, dans le monde d’aujourd’hui, les « voyous » de ce genre qui créent de l’activité ont toujours raison en face à des syndicalistes d’une autre époque qui, arcboutés sur la défense de privilèges d’une autre époque, font fermer nos entreprises les unes après les autres.
Mots-clefs : Europe, mondialisation, Ryanair, syndicats
15 Oct 2010 11:09 1. lesolitaire67
Bravo pour cet article criant de vérité, l’exception française ça commence à bien faire car c’est un modèle qui a 40 ans de retard, soviétique avec des monopoles ruineux et inefficaces. La compagnie Ryanair a des bases dans tous les pays d’europe et cela génère une activité économique importante. La base de Girona Costa Brava en Espagne permet à des touristes de toute l’europe (beaucoup de jeunes à revenus modestes ont accès au transport aérien) de venir à Barcelone à prix raisonnable, dans des avions presque neufs (bien plus beaux que ceux de Air France) et moi qui emprunte souvent la ligne Karlsrhue-Girona depuis plusieurs année, je constate que de plus en plus de clients sont des clients en déplacement professionnels qui utilisent aussi Ryanair. De plus il y a tres peu de retards, pas de superflus, oui les consommations à bord sont payantes mais on est pas obligé de les prendre, 1h25 sans boire ni manger ce n’est pas un drame que je sache…
On peut penser ce que l’on veut de Mr O’Leary, ce n’est certes pas un saint homme mais sa reussite et celle de son entreprise sont remarquables, en 1985 il y avait 3 avions et aujourd’hui c’est 200 avions qui chaque jour effectuent des rotations dans toute l’Europe avec un succès phénoménal et des taux de remplissage de 80% minimum, Air France sur Strasbourg-Paris a 15 à 20% de remplissage à des prix délirants !!!
Alors tous ceux qui nous les cassent avec le « modèle français » me font bien rire, des ringards, des passéistes qui ne voient pas que le monde bouge.
15 Oct 2010 12:10 2. Infraniouzes
J’aime bien la dernière phrase de votre blog du jour. Depuis longtemps, je suis convaincu que la CGT, et d’autres syndicats avec elle, est le plus grand fossoyeur d’emplois en France, depuis, disons, les années 70. C’est curieux que jamais aucune étude sérieuse n’a été faite sur ce sujet. On va bien trouver, au Cnrs, un chercheur qui cherche désespérément depuis 25 ans et qui ne trouve rien, qui pourra se pencher sur le sujet avant une retraite bien méritée.
Mais je pense que le politiquement correct veille: personne ne la fera et si, d’aventure, un fou se lançait dedans, aucun éditeur n’aurait le courage de la publier. Vous voyez Pujadas en parler au journal de 20H de Fr 2 ? Tiens, en plus de cela, il serait rigolo de faire le catalogue de ce qu’on ne doit pas dire en France. La liste est interminable…
15 Oct 2010 12:55 3. wassala
Bravo Monsieur Desjardins, il n’y a pas grand-chose à ajouter à tant de pertinence et de clarté…
Quelqu’un dont j’ai oublié le nom… a dit : « La France est un Modèle Soviétique réussi ».
Vous écriviez il ya quelques jours ces autres vérités criantes :
Ce pays est, depuis des décennies, coupé en deux par un « immense guichet d’arrogance » (c’est plutôt comme cela que je le ressent…). Il y a, d’un coté, la « race des seigneurs » qui ont tous les droits, puisqu’ils parlent au nom de l’Etat, et tous les avantages grâce au fameux « Statut des Fonctionnaires » -inventé par Maurice Thorez quand le secrétaire général du Parti communiste était ministre d’Etat chargé de la réforme administrative, en 1945- qui leur garantit impunité et sécurité de l’emploi.
Comment se fait-il que rien de substantiel n’ait été modifié à ce sujet depuis 1945, quelques soient les différentes couleurs, les odeurs politiques qui depuis ont embaumé successivement la France, au gré de la volonté et du choix des français… ?
Y aurait-il dans ce pays une « caste mystérieuse » qui au-delà des apparences politiques diverses et variées, a pour mission ultime de préserver envers et contre tout ce « système » d’un autre âge qui fait l’avantageux bonheur de ses membres (petits et grands).
Il y a sans aucuns doutes une abondante profusion de fonctionnaires collectivistes dans l’âme et d’ex-fonctionnaires de toutes sortes, « clergé » infiltré à tous les étages de la maison France, depuis les simples Conseillers Municipaux, les Maires… et jusqu’aux plus hauts sommets de l’Etat…
Il est vrai que beaucoup d’entre eux prennent leur retraite à un très jeune âge, ce qui leur permet de continuer à accomplir sournoisement ce « Grand Œuvre » dont ils savent mieux que tout le monde qu’il est bon pour le peuple… ! Et surtout pour eux-mêmes !
15 Oct 2010 16:27 4. Houzi
C’est vrai.
Aux temps où elle était une entreprise publique, AIR FRANCE servait des prestations de qualité à ses voyageurs en toute sécurité et ses salariés étaient bien rémunérés. Qui s’en plaignait?
C’est effectivement à compter du moment où on a décidé de privatiser AIR FRANCE que la dégringolade a commencé.
Dénoncer les défauts actuels de la compagnie qui appartient aujourd’hui au secteur privé, en les imputant à faute à son ancien statut de compagnie nationale relève de la galéjade.
Je me souviens d’une discussion que j’avais eue avec un cadre mécanicien qui après avoir connu la période faste où on changeait une pièce de l’avion dès qu’il y avait un doute sur sa fiabilité, se voyait désormais intimé d’attendre encore une ou deux rotations de l’avion avant de la changer, et ce pour motifs de rentabilisation.
Peu de temps après, j’eus un échange de la même veine avec un technicien de FRANCE TELECOM. ON rogne sur les stocks, on chipote sur le câble etc.
Forcément : la privatisation, c’est beau comme l’Antique.
Suivent le même chemin EDF, la SNCF et autres victimes de l’idéologie libérale qui prend pour axiome que quand c’est privé, c’est forcément le paradis du consommateur. Et quand c’est public, c’est soviétique.
Ainsi on dénonce aujourd’hui les errements et les carences des entreprises publiques gérées en fait à la sauce privée, erreurs et carences (cf le CREDIT LYONNAIS), provoquées par l’inflexion libérale donnée à la gestion de ces entreprises publiques qui n’en sont plus guère… Ainsi on prépare l’opinion publique à « l’impérieuse »nécessité de privatiser tout ça !
Derrière viendront la sécurité sociale et les retraites.
Conclusion : plutôt que d’essayer de tirer vers le bas ceux du secteur public, les aigris du privé seraient mieux inspirés de militer dans des syndicats et de revendiquer le même statut que les « privilégiés » que seraient à leurs yeux les fonctionnaires. En flinguant ce qui était jusques à peu leur vitrine sociale, les salariés du privé s’autointerdisent de revendiquer une quelconque amélioration de leur sort, sauf à endosser à leur tour les habits de « privilègiés ».
A propos de « privilégiés », oubliez vos pauvres pilotes d’AIR FRANCE, c’est de la gnognotte.Intéressez-vous aux vrais. A lire en 1ère page du Canard Enchaîné du 14/10/2010: Selon un rapport du Conseil des Prélèvements,
« les entreprises françaises bénéficient d’exonérations fiscales et sociales à la fois trop nombreuses, peu efficaces et terriblement coûteuses : pas moins de 172 milliards d’euro soit un manque à gagner égal à, excusez du peu, près de la moitié du budget de la FRANCE »
Nos impôt financent nos entrepreneurs, vous savez ceux qui prennent des risques, qui ne sont pas des privilégiés comme le facteur de NEUILLY et qui en sont pas des assistés bla bla bla. Vu le déficit de notre balance commerciale, vaudrait mieux les nationaliser au moins on saurait pourquoi on leur fait cadeau de nos impôts.
Sauf erreur de ma part, le total des salaires des pilotes d’AIR FRANCE n’a pas encore atteint de tels sommets.
Ite missa est…
15 Oct 2010 18:53 5. diego149
D’accord sur l’ensemble de votre article. Avec un bémol UTA n’a pas disparu pour mauvaise gestion, c’était même une compagnie très bien gérée. Beaucoup mieux qu’AF. Sauf que à l’époque le gouvernement était soocialiste, le ministre des transports communiste et que AF, dont le PDG de l’époque était un ami du pouvoir, ne voulait pas de concurrence. Donc miracle socialiste une société qui faisait des profits fut avalée par une société au bord du dépôt de bilan, avec l’argent des contribuables.
Le fait de passer les équipages sous législation étrangére n’est pas nouveau, c’est ce qui s’est fait à l’époque lors du projet de redre ssement de la compagnie Air Afrique. Les pilotes ont eu le choix entre la législation ivoirienne du travail ou… la porte.