Tout le monde s’étonne de l’entêtement avec lequel Sarkozy soutient contre vents et marées Eric Woerth. Au milieu d’une tempête médiatico-judiciaire depuis des mois et cible de toutes les attaques, le ministre du Travail risque, en effet, de compromettre sérieusement « la » grande réforme du quinquennat, celle des retraites qu’il est chargé de porter à bout de bras. Même François Chérèque, le patron de la CFDT, qui n’est pourtant pas un tueur, déclare maintenant que la présence de Woerth « pose un problème ».
Et il est évident qu’aux yeux de l’opinion publique le seul fait que ce soit Woerth qu’on accuse de toutes les turpitudes qui présente ce texte donne une toute autre tonalité à la dite réforme.
La gauche affirme que cette réforme privilégie scandaleusement les riches contre les pauvres, ceux qui ont fait des études longues contre ceux qui sont entrés très jeunes dans la vie active, ceux qui ont eu des carrières sans problème contre ceux qui ont connu de longues périodes de chômage.
Or, Woerth apparaît désormais comme un défenseur des riches, un suppôt des milliardaires, un larbin docile et reconnaissant des plus grandes fortunes du pays. Il lui est donc impossible de parler de justice sociale, d’équité entre tous.
N’importe quel chef d’Etat « raisonnable » aurait évidemment viré un tel ministre. Seulement voilà, Sarkozy ne comprend pas ce qu’on peut reprocher à Woerth.
Qu’il ait été à la fois trésorier de l’UMP et ministre du Budget, Sarkozy ne peut pas lui en vouloir puisque c’est lui qui l’a nommé au Budget, précisément parce qu’il était son trésorier.
Qu’il ait organisé le « racket » des grosses fortunes, dans le fameux « premier cercle », pour financer la campagne présidentielle, Sarkozy ne peut que lui en être reconnaissant.
Qu’il ait eu une admiration béate (et active) pour les milliardaires, Sarkozy, ami de Bolloré, Lagardère, Bouygues et autres, ne peut que le comprendre. Il partage avec lui la vénération des « petits choses » devenus « parvenus » pour les vedettes de la Jet Set et du Cac40.
Qu’il ait fait embaucher sa femme comme gestionnaire de Liliane Bettencourt, ce n’est pas Sarkozy qui avait voulu caser son fils à la présidence de l’EPAD après l’avoir installé au Conseil général des Hauts-de-Seine, qui peut le lui reprocher.
Qu’il se soit démené pour obtenir la Légion d’Honneur de Patrice de Maistre, gestionnaire de la fortune de Liliane Bettencourt et futur patron de sa femme, Sarkozy ne peut rien y voir de mal puisque c’est lui en personne qui, en tant que ministre de l’Intérieur, a finalement accordé cette distinction au financier.
Qu’il ait (peut-être) un peu facilité ou du moins fermé les yeux sur certaines opérations d’évasion fiscale organisées (peut-être) par sa propre femme ne fait que confirmer, au regard de Sarkozy, la justesse de ses théories sur le bouclier fiscal.
Bref, pour le président de la République, non seulement Woerth n’a pas démérité mais il n’a fait que suivre pas à pas, imité en tous points les grands principes du sarkozisme : privilégier ceux qui ont réussi, s’en faire des amis, éventuellement les faire « cracher au bassinet », toujours « renvoyer les ascenseurs ».
Dans ces conditions, tous ceux qui parlent de morale, de république bananière, de collusion inadmissible entre l’argent et le pouvoir politique sont forcément des « salauds de trotskistes » qui s’attaquent à lui même pour essayer de lui « piquer la place ».
Virer Woerth pour calmer l’opinion, ce serait donner raison à tous ceux qui lui ont reproché la soirée au Fouquet’s, le yacht de Bolloré, les vacances de milliardaire au Cap Nègre et une politique qui, il faut bien le dire, n’a pas vraiment amélioré le sort des plus défavorisés.
Virer Woerth serait donner tort au sarkozisme.

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