Une justice de cour
Il paraît que les Français ne croient plus en la justice de leur pays. On peut les comprendre.
Depuis des mois, deux feuilletons judiciaires marquent l’actualité : l’affaire Clearstream et l’affaire Woerth-Bettencourt.
Il faut bien reconnaître que, sur le fond, ces deux histoires ne sont pas des drames épouvantables. Il n’y a pas eu mort d’homme.
Clearstream est une affaire de corne cul où des pieds nickelés ont tenté de discréditer un candidat à la présidentielle en manipulant la presse. C’est un grand classique dans notre vie politique. Ils voulaient nous faire croire que Nicolas Sarkozy avait un compte secret au Luxembourg comme leurs prédécesseurs avaient voulu nous faire croire que le couple Pompidou participait à des orgies. L’affaire Clearstream n’a pas empêché Sarkozy d’être élu, en 2007, pas plus que l’affaire Markovic n’avait empêché Pompidou d’être élu, en 1969. Il faut que la rumeur ait un semblant de réalité pour tuer celui qu’on vise. Chaban a été détruit (en partie) par l’affaire de sa feuille d’impôts, Giscard par celle des diamants.
L’affaire Woerth-Bettencourt ne relève pas non plus des assises. C’est, là aussi, hélas, un grand classique. Un ministre (du budget) a casé sa femme chez un financier qui en attendait, évidemment, la contrepartie et lui a, en plus, fait obtenir la Légion d’Honneur.
Dans un Etat « normal », l’affaire Clearstream aurait du être classée sans suite depuis longtemps puisque les enquêtes n’ont pas permis de découvrir avec certitude le ou les corbeaux, et l’affaire Woerth-Bettencourt aurait dû se terminer par la démission du ministre, indiscutablement coupable de « collusion » avec les « puissances d’argent ».
Mais il se trouve que nous avons aujourd’hui un chef d’Etat « garant de l’indépendance de la justice » qui a une conception très particulière de la dite justice. Elle doit lui permettre à la fois de régler ses comptes personnels et de protéger ses amis. En clair, nos magistrats sont priés de condamner Villepin et d’innocenter Woerth.
Aujourd’hui, nous apprenons que la Cour d’appel de Paris a décidé de retarder le procès en appel contre Villepin. Il était prévu pour mars prochain, il aura lieu en juin. Ce qui veut dire que la décision sera rendue après l’été 2011, c’est-à-dire en plein démarrage de la campagne présidentielle. Et, bien sûr, les magistrats seront priés de ne pas recommencer l’erreur du premier procès qui avait conduit à innocenter Villepin.
Et nous apprenons, au même moment, que le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, un grand ami du président de la République, s’assoit sur les « recommandations » que vient de faire le procureur général de la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, qui lui demandait de confier l’affaire Woerth-Bettencourt à un juge d’instruction.
Courroye ne dépend pas du procureur général de la Cour de cassation mais du procureur général de Versailles, Philippe Ingall-Montanier, lequel dépend directement du (de la) Garde des Sceaux. Et, en fidèle petit soldat, le doigt sur la couture du pantalon, il compte bien poursuivre seul l’enquête afin de démontrer la totale innocence de Woerth.
Michèle Alliot-Marie qui rêve d’être nommée à Matignon dans les prochaines semaines, va-t-elle avoir le courage (suicidaire) d’écouter « les recommandations » du procureur général de la Cour de cassation, de désavouer Courroye et de confier le dossier à un juge d’instruction « indépendant » ? Personne n’y croit.
Il est stupéfiant que Sarkozy n’ait pas compris qu’il allait encore s’enfoncer.
Personne ne croit ni en la réelle culpabilité de Villepin ni en la totale innocence de Woerth.
Si, comme le souhaite Sarkozy, Villepin est condamné à l’automne 2011, cette « justice de cour » offrira à l’ancien premier ministre un superbe tremplin pour sa campagne présidentielle. Il ne sera plus celui que la rancoeur incite à s’acharner contre Sarkozy mais la victime d’un système judiciaire inique à la solde du candidat sortant. Il gagnera dix points de popularité dans tous les sondages. Il en avait déjà gagné cinq quand le pouvoir avait décidé de faire appel du premier jugement qui le blanchissait.
Si Woerth est innocenté, ce « déni de justice » soulignera davantage encore l’un des grands reproches que les Français font à Sarkozy : ses relations incestueuses avec les grandes fortunes du pays.
Aux yeux d’une majorité de Français, ce quinquennat qui avait commencé au Fouquet’s se terminera dans le salon de Liliane Bettencourt. Or l’INSEE révèle aujourd’hui que 13% de la population survivent avec moins de 949 € par mois et que plus de 50% de Français ont des revenus inférieurs à 19.000 € par an. Or, malgré leur pauvreté, ces Français ont le droit de vote…
28 Sep 2010 12:32 1. dugas
« Aux yeux d’une majorité de Français, ce quinquennat qui avait commencé au Fouquet’s se terminera dans le salon de Liliane Bettencourt. »
Voila qui résume bien 2007 à 2012.
28 Sep 2010 19:19 2. Houzi
L’affaire Woerth/Bettencourt n’est pas si anodine que ça, car elle touche au financement de la campagne présidentielle de SARKOZY.
Et en miroir à cette affaire, je me permettrais d’ajouter une dernière étape au quinquennat de ce dernier : KARACHI qui touche également au financement d’une campagne présidentielle où SARKOZY était impliqué à un autre titre.
« Je ne vous mentirai pas, je ne vous trahirai pas, je ne vous décevrai pas. »
Bla bla bla…
29 Sep 2010 20:02 3. Laure RICHARD
Encore faudrait-il que les Français, contrairement à leur tropisme, conserve une excellente mémoire jusqu’aux prochaines échéances présidentielles ! C’est loin d’être gagné…