Récuser Sarkozy pour sauver la droite?
Il est évident -et le petit débat un peu vif mais (presque) toujours courtois qui s’est instauré sur ce blog le confirme- que la droite française traverse aujourd’hui ce qu’on pourrait appeler pudiquement « certaines turbulences ».
La droite qui est, en principe, majoritaire dans le pays, même si elle perd régulièrement toutes les élections locales, est actuellement divisée. Il y a ceux qui restent fidèles, quoi qu’il arrive, à Nicolas Sarkozy et ceux, de plus en plus nombreux, semble-t-il, qui ne peuvent plus supporter celui pour lequel ils ont voté en 2007.
Les premiers estiment que Sarkozy a fait « ce qu’il a pu », qu’il n’a pas eu de chance en étant frappé de plein fouet par la crise et qu’il demeure, en tous les cas, le seul rempart contre une nouvelle aventure de la gauche.
Les seconds pensent que Sarkozy n’a pas su endosser le costume présidentiel, qu’il les a trahis (notamment avec « l’ouverture »), qu’il n’a tenu aucune de ses promesses et que le bilan de son quinquennat sera catastrophique aussi bien sur le plan économique (déficits et chômage) que sur le plan de la sécurité ou sur celui de l’image de la France. A leurs yeux, Sarkozy ne peut qu’être battu en 2012 face à un Strauss-Kahn ou une Martine Aubry.
Les premiers accusent les seconds d’être des « traîtres » qui, comme des rats, quittent le navire au milieu de la tempête. Les seconds reprochent aux premiers d’être des moutons disciplinés allant, bêtement et sans même bêler, droit à l’abattoir.
La fidélité est, certes, une qualité humaine, mais, en politique, c’est la lucidité qui doit s’imposer.
Après la mort de Pompidou, en 1974, certains gaullistes ont estimé que leur candidat « naturel », Chaban-Delmas, n’avait aucune chance de l’emporter face à Mitterrand. Ils ont donc cherché un autre candidat et ont fini par se rallier à Giscard. On les a traités de tous les noms. Mais, à la lecture des résultats, on a bien été obligé de reconnaître qu’ils avaient eu raison. Au premier tour, Chaban n’a recueilli que 15% des voix, preuve qu’il n’avait aucune chance, et, au second tour, Mitterrand a obtenu 49,20%, preuve que le danger était réel.
Dans la course à la présidentielle, il faut jouer le bon cheval. Et il est parfaitement normal que ceux qui, à droite, considèrent que Sarkozy est maintenant un « toquard », sans la moindre chance de passer le poteau en tête, soient les premiers à dénoncer ses faiblesses et cherchent désormais, dans l’écurie, un meilleur étalon pour défendre leurs couleurs.
Critiquer Sarkozy, ce n’est pas faire le jeu de la gauche. C’est, au contraire, tenter de sauver la droite en soulignant que ce quinquennat raté ne peut pas être imputable à la droite en tant que telle puisqu’il a été présidé par un « imposteur » qui, usurpant le drapeau de la droite, a mené une politique incohérente d’ouverture à gauche, d’alignement sur l’atlantisme, d’asservissement à la Corbeille, d’augmentation des prélèvements obligatoires, de protection des plus favorisés. La droite ce n’est ni le tout sécuritaire (tout en diminuant le nombre des policiers), ni le bouclier fiscal (tout en supprimant des niches fiscales).
La gauche assiste, évidemment, avec un plaisir non dissimulé à cette querelle au sein de la famille de la droite.
Mais certains, à gauche, sont cependant inquiets. Ils redoutent, en effet, que ces chamailleries à droite ne conduisent à… une victoire de la gauche. Du coup, la gauche serait au pied du mur et démontrerait rapidement que son programme ne peut qu’augmenter encore les déficits publics et aggraver davantage le chômage et la précarité en affaiblissant plus encore notre compétitivité.
Alors ils imaginent (ils espèrent ?) un scénario qui verrait, au lendemain du remaniement ministériel, une « fronde » s’organiser derrière des Juppé, Raffarin, Copé et autres Villepin.
Ces observateurs de gauche qui craignent plus que tout la victoire de leur camp pour pouvoir rester dans la confortable tribune de l’éternelle opposition et qui conseillent donc à la droite un sursaut salutaire ont-ils une chance d’être entendus à droite ?
Il ne fait aucun doute que l’ambiance générale, les sondages, les prochaines élections sénatoriales devraient inciter certains « ténors » de droite à ne plus se contenter de petites phrases assassines murmurées devant les micros du dimanche soir et à avoir le courage de se présenter en recours de la droite, avec un programme qui serait non seulement un réquisitoire sans pitié contre le quinquennat écoulé mais aussi le véritable espoir d’une renaissance de la droite.
Mais qui aura assez de courage pour mener une mutinerie sur la passerelle du bateau en perdition ? Pour l’instant, on a l’impression que certains rêvent encore d’un maroquin et restent prudemment cois jusqu’au remaniement et que les autres jouent 2017 en espérant donc, pour 2012, une victoire de la gauche.
Cela dit, quand on voit Ségolène Royal, Amon, Emmanuelli, Montebourg et quelques autres ressortir du bois de week-end en week-end et fourbir leurs armes contre DSK ou Martine Aubry, on se dit aussi que la gauche a tort d’ironiser sur les divisions actuelles de la droite.
La droite se cherche un candidat de remplacement, la gauche, elle, a trop de candidats.
Mots-clefs : Présidentielles 2012, Sarkozy
20 Sep 2010 12:14 1. dugas
En fait il faudrait à la droite quelqu’un qui porte un « programme de rupture ».
Mince, j’ai déjà entendu ça quelque part ???….???? Mais où, et quand, et avec qui ????
20 Sep 2010 12:17 2. Marie
Bonjour Thierry Desjardins, je fais parti des seconds, j’ai qu’ une esperance maintenant, comme je l’ai dit plusieus fois, je mise sur la Marine!!!!
20 Sep 2010 15:55 3. Infraniouzes
En politique, ce n’est jamais la pénurie; c’est toujours l’abondance, le trop plein. Donc comme il faut se choisir un champion, les clans sont obligés de composer, de se réduire au plus grand dénominateur commun, ce qui fait, à l’arrivée, un candidat fade, sans consistance. On a tellement rogné et encadré son projet politique qu’il doit se contenter de mesurettes, d’esbroufe et de beaucoup d’agitation pour faire croire qu’il fera un parcours sensationnel digne de rester dans l’histoire.
Et voilà la grande misère de la vie politique française…
20 Sep 2010 20:08 4. Diego
J’ai renvoyé ma carte de l’UMP il y a 1 an. Les prochaines présidentielles je voterai des deux mains pour Marine.
Merci Mr Desjardins pour ce que vous écrivez, malgré le lynchage médiatique dont vous faites l’objet de la part de la « bien pensance Boboïste ». c’est un plaisir de vous lire.
20 Sep 2010 20:25 5. Bernard Girard
La fronde? Mais je connais, il me semble même reconnaître le thème de l’une de mes dernières interventions sur mon blog…