Que les choses soient claires
Certains m’accusent d’avoir, hier, au cours de l’émission C dans l’air, « pris la défense des Roms » et « rejoint le camp des ennemis de la France ». Que les choses soient claires.
D’abord, il m’a toujours semblé que chacun avait le droit de critiquer telle ou telle décision de tel ou tel gouvernement sans pour autant être un « ennemi de la France ». On peut parfaitement être hostile aux 35 heures, au recul de l’âge légal de la retraite, à l’abrogation de la peine de mort ou à la suppression du service militaire sans être un « traître à la patrie ». Ne soyons pas ridicules. En démocratie, considérer que le chef de l’Etat fait fausse route ne relève pas du peloton d’exécution. En principe et depuis quelques années déjà, dans notre pays, on devrait pouvoir commettre le crime de lèse-majesté sans craindre d’être déchu de sa nationalité.
Ensuite, comme tout le monde, j’ai une certaine conception de la France, « une certaine idée de la France ». J’avoue que, pour moi, la France est un grand pays parce qu’elle est une nation viscéralement attachée à quelques grands principes qui sont la démocratie, le respect des Droits de l’homme –et donc de sa dignité-, la liberté pour chacun, l’égalité devant la loi entre tous. Et si je ne me refusais pas à tomber dans les excès de ceux qui voudraient me bannir, j’aurais tendance à considérer ceux qui trahissent ces grands principes comme les vrais ennemis de la vraie France.
Mais restons-en à l’affaire des Roms.
Dans tout pays civilisé, l’Etat peut et doit poursuivre les criminels, les délinquants et tous ceux qui enfreignent les lois. Cela fait partie des droits et plus encore des devoirs régaliens. Mais aucun Etat ne peut poursuivre des gens dont le seul crime, le seul délit, la seule faute serait d’appartenir à une race, une ethnie, une communauté.
Et c’est ici que la fameuse commissaire européenne à la Justice a eu raison en s’attaquant à la politique anti-Roms de Nicolas Sarkozy. Certes, elle a un peu dérapé en évoquant les drames de la dernière guerre. Paris expulse les Roms et ne les envoie pas dans des camps d’extermination. On reconnaîtra que la « nuance » est d’importance. Mais c’est tout de même la première fois, depuis la guerre, qu’un Etat européen s’en prend officiellement à une ethnie et considère que l’appartenance à cette ethnie doit entraîner une sanction.
En ordonnant à tous les préfets de France de détruire les campements illégaux « et d’abord ceux des Roms », le directeur de cabinet du ministre de l’Intérieur a commis une faute impardonnable. Un haut fonctionnaire de la République reconnaissait, le plus officiellement du monde et sans se rendre compte de l’énormité de la chose, qu’aux yeux de l’Etat l’appartenance à l’ethnie des Roms constituait une faute aggravante.
Toutes les règles européennes, toutes les lois françaises et la morale la plus élémentaire interdisent évidemment une telle discrimination.
La circulaire du ministère de l’Intérieur a été remplacée mais le mal avait été fait. D’ailleurs, très maladroitement, Sarkozy, Hortefeux, Besson et les autres continuent à parler des « Roms » qu’ils expulsent au lieu d’en faire des « étrangers en situation irrégulière ».
Certains amis de ce blog évoquent un sondage (du Figaro) qui, hier, affirmait que 80% des Français approuvaient cette politique anti-Roms. Ce matin, un sondage (du Parisien) affirme que 56% des Français approuvent la condamnation par l’Europe de cette politique anti-Roms.
Il est évident que si on demande aux Français « Souhaitez-vous vraiment que plusieurs dizaines de Roms s’installent avec leurs caravanes dans votre jardin ? », ils répondront « non » mais qu’ils répondront « non » aussi si la question est : «Souhaitez-vous vraiment que la France pratique une politique de discrimination raciale ? ».
Il faut donc être prudent avec les sondages et Sarkozy a sans doute tort d’y prêter une telle attention. Si le rôle d’un chef d’Etat est bien d’être à l’écoute des citoyens, il n’est pas d’éveiller des peurs et de désigner des boucs émissaires pour faire oublier les grands problèmes.
Au lieu des regarder les sondages et d’essayer de caresser d’éventuels électeurs dans le sens du poil, il vaut toujours mieux s’en tenir, contre vents et marées, aux grands principes.
18 Sep 2010 11:43 1. Marie
Bonjour Thierry Desjardins
Je l’ai pensé moi aussi, a vous entendre j’ai pris peur!!! je pense que vous avez votre carte du parti de besancenot, vraiment votre discourt est anti- france
18 Sep 2010 12:58 2. Bernard Girard
Cher Thierry,
Encore une fois, où trouvez vous ces lecteurs qui vous amènent à donner ces précisions? Je ne vous ai pas écouté hier soir dans C dans l’air, mais ce que vous dites sur votre blog me parait marqué au coin du bon sens. La France que nous aimons ou plutôt le récit que nous nous faisons de cette France interdit de s’en prendre à des personnes parce qu’ils appartiennent à une communauté ou à une autre. C’était une des leçons du gaullisme, de la résistance, que beaucoup semblent avoir oubliée.
La référence à Vichy choque. Mais est-elle si fausse? Oublions un instant les camps d’extermination et regardons la politique menée effectivement par Vichy et par ses hauts fonctionnaires. Etait-elle différente de celle menée aujourd’hui avec les Roms? Sans doute, mais elle s’inscrivait dans la même logique.
Vous êtes de droite, ce que je ne suis pas. Vous avez aujourd’hui, vous et vos amis, une mission : reconstruire à droite une alternative républicaine qui renvoie Sarkozy et ses nervis aux franges de la droite, là où ils ne peuvent faire de mal à personne.
18 Sep 2010 13:25 3. Marie
@Bernard Girard
Arrêter de vous servir de DE GAULLE, il doit se retourner dans sa tombe!
Les paroles de DE GAULLE:
» C’est très bien qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu’elle a une vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une petite minorité. Sinon la France ne serait plus la France. Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine, et de religion chrétienne […] Vous croyez que le corps français peut absorber dix millions de musulmans, qui demain seront peut-être vingt millions et après-demain quarante ? Si nous faisions l’intégration, si tous les Arabes et les Berbères d’Algérie étaient considérés comme Français, comment les empêcherait-on de venir s’installer en métropole alors que le niveau de vie y est tellement plus élevé ? Mon village ne s’appellerait plus Colombey-les-Deux-Églises, mais Colombey-les-Deux-Mosquées ! « .
18 Sep 2010 16:04 4. wassala
Oui Marie, et selon son fils Philippe in « de Gaulle mon Pére »
« Si une communauté n’est pas acceptée, c’est qu’elle ne donne pas de bons produits, sinon elle est admise sans problème. Si elle se plaint de racisme à son égard, c’est parce qu’elle est porteuse de désordre. Quand elle ne fourni que du bien, tout le monde lui ouvre les bras »
« Mais il ne faut pas qu’elle vienne chez nous imposer ses moeurs. »
Ceux élus, nombreux qui se réclament de son héritage, l’ont-ils bien entendu…?
22 Sep 2010 18:18 5. Vincent Christophe LE ROUX
Monsieur DESJARDINS,
une fois de plus vous parlez avec justesse. Vous êtes un homme pensant à droite mais cela ne vous a jamais conduit à perdre un esprit républicain. Votre combat virulent depuis des années contre le Président et son gouvernement en raison des graves régressions qu’ils font subir à notre pays témoigne clairement de cela. Grâce à vous et à d’autres, nous savons que la droite française, ce n’est pas que ce ramassis de leaders aux immondes relents vichyssois ou bushistes.
Tiens, d’ailleurs vous avez dû constater avec effarement à quel point les infâmes accusations dont vous avez été l’objet se rapprochent à celles que tous les anti-Bush, y compris lorsqu’ils étaient héros de guerre, ont dû subir de la part des néoconservateurs. Ils étaient tous des anti-patriotes et des anti-Américains. Comme on vous a accus d’être anti-patriote et anti-Français.
Heureusement que l’on peut s’opposer sans s’envoyer de telles insultes. Je suis un homme qui pense clairement à gauche et pourtant depuis longtemps, je vous estime et je suis même en accoerd avec vous sur certains sujets. On peut être en désaccord et se respecter. On peut aimer la France, vouloir son bien, défendre son peuple avec des projets différents sans être de facto des anti-Français.
Je dis cela, vous l’aurez compris, non pas contre vous mais contre vos accusateurs. Ce discours-là est bien celui qui a permis certaines des pires atrocités dans un temps pas si lointain.
Quant à cette « Marie » qui porte le prénom de la Vierge mais qui ne met pas en pratique les préceptes de générosité, de pardon, de tolérance que porta la religion catholique, je lui rappelle qu’il ne suffit pas de citer tel ou tel passage des écrits de DE GAULLE pour prétendre comprendre sa pensée. Et même si DE GAULLE a pu écrire les propos que vous lui prêtez (j’ai lu moi aussi les livres d’Alain PEYREFITTE), cela ne signifie pas qu’il éprouvait la haine évidente que vous professez pour les étrangers.
Sanctioner un délinquant, oui. Avec mesure et proportionnalité comme le veulent les principes généraux de notre Droit. Expulser un délinquant étranger, pourquoi pas (encore que personnellement je sois assez favorable à la proscription de la double peine) mais insulter ou dire sa haine de toute une communauté, cela est indigne. Ce n’est pas la France. Ces gens-là se trompent. Certains milieux peuvent accueillir à bras ouverts ces propos et ceux qui les tiennent mais ces mouvements-là n’ont rien de républicain. Le gaullisme, c’était la grandeur de la France mais cette grandeur ne reposait pas que sur une force économique, politique, diplomatique ou militaire. C’était avant tout une force morale, culturelle.
La France, c’est le berceau de la démocratie moderne, de la République, de l’humanisme, des droits de l’homme. On ne peut parler en son nom si on crache sur ceux qui pensent différemment de vous.
Vive le débat argumenté, rauisonné, serein. Et si pour certains, les difficultés qu’ils vivent chaque jour les amènent, par exaspération et désespoir, à proférer des paroles excessives, il est bon que des consciences les rappellent à l’ordre.
Merci M. DESJARDINS