Nicolas Sarkozy n’est évidemment pas responsable de la fameuse circulaire du directeur de cabinet du ministre de l’Intérieur qui demandait aux préfets de détruire les campements illégaux et « d’abord ceux des Roms ». Le président de la République ne relit pas les quelques centaines de circulaires qui sortent chaque jour de nos ministères.
Le directeur de cabinet en question est, lui, un imbécile. Au lieu de citer les Roms, il lui aurait suffit de préciser « et d’abord ceux des étrangers en situation irrégulière » et personne n’aurait rien pu dire.
Tout le monde est d’accord pour reconnaître que l’Etat ne peut pas tolérer que des « vagabonds » s’installent n’importe où et s’approprient, sans aucune autorisation, et même temporairement, des terrains du domaine public ou privé. Et chacun reconnaît qu’il appartient à l’Etat de faire respecter par les étrangers les lois de la République.
Ce qui a choqué l’opinion ce sont les images des CRS casqués et bottés, envahissant au petit matin les campements, détruisant à coups de bulldozer les caravanes et les cabanes, saccageant les malheureuses affaires de ces pauvres gens devant le regard apeuré de ces femmes et de ces gosses maltraités par l’histoire depuis quelques siècles.
On ne chasse pas des êtres humains comme du bétail nuisible. Même s’ils sont en situation irrégulière, même s’ils ne sont pas, a priori, particulièrement sympathiques, même si on peut supposer que, sans revenus connus, certains d’entre eux s’adonnent à la mendicité, voire à la délinquance. Ce sont, tout de même, des hommes, des femmes, des enfants.
Ce qui a aussi choqué les Français ce sont les paroles du lamentable Hortefeux qui a osé parler d’« expulsions volontaires » en affirmant presque que ces pauvres gens étaient ravis de se retrouver dans des charters à destination de leur pays d’origine (où ils sont persécutés) car, dans sa grande bonté, la France, terre d’asile et des Droits de l’Homme, leur offrait le voyage et 300 € pour leurs faux frais. Politique parfaitement absurde puisqu’à peine arrivés à Bucarest, ces Roms, ressortissants de l’Europe, vont, immédiatement et le plus légalement du monde, reprendre le chemin de la France.
Mais ce qui a scandalisé une grande partie de nos concitoyens ce sont, en fait, les propos même de Sarkozy.
On a oublié que tout avait commencé parce que des « Gens du voyage » qui n’avaient rien à voir avec les Roms, qui n’étaient pas roumains mais français depuis des générations, qui n’étaient pas nomades mais installés depuis des années dans le même village du Loir-et-Cher où ils avaient même leurs tombes dans le cimetière local, avaient saccagé plusieurs bourgs des environs à la suite de la mort d’un des leurs, tué par un gendarme après avoir brûlé un contrôle routier.
Voulant à tout prix marquer le coup et faire preuve de volontarisme pour des raisons évidemment électorales, Sarkozy s’est trompé de cible. Roulotte pour roulotte, il s’en est pris aux Roms qu’on n’avait jamais vus dans le Loir-et-Cher mais qui représentaient des boucs émissaires faciles.
Amateur de l’absurde « discrimination positive », Sarkozy s’est lancé à corps perdu dans la « discrimination négative », en stigmatisant et en faisant pourchasser une communauté de quelque 10.000 pauvres types ballottés à travers l’Europe.
Comment alors reprocher à un directeur de cabinet d’avoir, dans une circulaire, suivi « la pensée » du chef de l’Etat ? C’est Sarkozy qui est le seul coupable de cette « chasse aux faciès ». Ses gesticulations sécuritaires ne rassurent pas les Français, ne séduisent plus des électeurs d’extrême-droite (qui ont déjà donné), mais installent en France un climat de peur, de haine, de xénophobie que les Français, dans leur grande majorité, désapprouvent.
Aujourd’hui, un sondage CSA-Le Parisien met Villepin à égalité avec Sarkozy comme « candidat de la droite préféré des Français » pour les présidentielles. 15% pour chacun, devant Fillon, 13%, Juppé 7% et Copé, 5%.
A quoi tient cette incroyable ascension de Villepin ? Sans aucun doute à sa fameuse phrase sur « la tache de honte » que Sarkozy imposait « sur le drapeau français ». Certains commentateurs avaient trouvé l’ancien premier ministre excessif dans sa haine anti-sarkoziste. Les Français paraissent lui avoir donné raison. Il est vrai qu’ils semblent maintenant prêts à rallier celui qui saura être le plus impitoyable contre le président.

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