A l’occasion de la présentation du budget 2011, nous avons appris dans quels ministères le gouvernement avait décidé de supprimer des postes pour tenter de respecter la promesse faite par Sarkozy de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.
Tous les Français –sauf les fonctionnaires, cela va de soi- sont d’accord pour dire qu’il y a beaucoup trop de fonctionnaires en France. D’abord, cela nous coûte une fortune. Il faut les payer (et ils sont mieux payés que dans le privé), leur fournir bureaux et matériel, prévoir leur retraite, etc. Ensuite et presque surtout, cette prolifération de ronds-de-cuir paralyse le pays. Ils font des textes, plusieurs centaines par jour ouvrable –c’est ce qu’on appelle « la diarrhée normative » de notre administration-, ils les imposent à tous, contrôlent chacun et punissent sans pitié celui qui aurait osé de pas s’incliner devant leurs diktats et leur pouvoir tout puissant.
La France est, depuis des décennies, coupée en deux par un immense comptoir en son milieu. Il y a, d’un coté, les « seigneurs » qui ont tous les droits, puisqu’ils parlent au nom de l’Etat, et tous les avantages grâce au fameux Statut des fonctionnaires (inventé par Maurice Thorez quand le secrétaire général du Parti communiste était ministre d’Etat chargé de la réforme administrative, en 1945) qui leur garantit l’impunité et la sécurité de l’emploi. Il y a, en face, de l’autre coté du comptoir, la foule, la plèbe, les corvéables à merci, les imposables à tout va qui doivent s’incliner, implorer, obéir, payer. D’un coté, le mépris de cette fausse « noblesse » pour la « populace », de l’autre coté, la haine du nouveau « Tiers Etat » pour cette « aristocratie » autoproclamée. Quelques fois ce genre de conflit se termine mal.
Dans aucun pays les relations entre l’administration et les administrés ne sont aussi mauvaises qu’en France. Les fonctionnaires ont oublié –mais le leur a-t-on jamais précisé- qu’ils étaient « au service des citoyens » et les citoyens ont le sentiment d’avoir affaire à des monstres froids et haineux d’une espèce nuisible qui les oppriment, les persécutent, les pourchassent et les étranglent à plaisir.
On sait qu’on différencie un Etat socialiste d’un Etat de libertés en fonction du montant des prélèvements obligatoires, de la proportion des salariés du public par rapport aux salariés du privé et du nombre des textes imposés à la population. Si l’on s’en tient à ces trois critères, la France fait partie –sans que les Français en aient toujours conscience- des derniers pays socialistes de la planète.
Cela dit, si les Français en sont arrivés à détester globalement les fonctionnaires –en étant parfois très injustes car il y a (encore) quelques « commis de l’Etat » compétents et dévoués- nos compatriotes font des différences. Ils veulent moins de fonctionnaires mais ils veulent davantage de médecins et d’infirmiers, d’enseignants et de policiers.
Il est évident que des années de gestion incohérente de notre système de santé (les numerus clausus dans les concours médicaux, l’exigence de rentabilité dans les hôpitaux, etc.) ont considérablement détérioré la médecine française qui fut si longtemps l’une des premières du monde. Aujourd’hui, on manque cruellement de médecins et d’infirmières dans nos hôpitaux, au point d’être obligé d’embaucher à tours de bras des étrangers aux diplômes incertains.
Les Français veulent davantage de personnel médical.
Pour ce qui est des membres du corps enseignant –le « Mammouth » dénoncé jadis par Claude Allègre- c’est un peu différent. On ne manque pas de salariés du ministère de l’Education nationale. Ils sont presque un million ce qui, pour douze millions d’élèves, devrait être amplement suffisant. Mais on manque d’« enseignants » comme le prouvent les classes à 40 élèves et plus, les professeurs absents non remplacés et l’état de déliquescence dans lequel se trouvent d’innombrables établissements « difficiles ».
Les Français veulent des enseignants (de préférence compétents) en face de leurs élèves et s’insurgent d’apprendre que 10 ou 20% (on ne sait même pas exactement) des fonctionnaires du ministère de l’Education se sont volatilisés dans différentes administrations aux bureaux plus confortables que les classes d’éducation prioritaire dans des zones délicates.
Enfin, les Français qui depuis des années entendent Nicolas Sarkozy en personne leur dire et leur répéter que la lutte contre l’insécurité est la priorité des priorités et qui s’aperçoivent quotidiennement qu’en effet la délinquance ne fait qu’augmenter souhaitent moins de discours et davantage de policiers.
Or, qu’apprend aujourd’hui ? Qu’en 2011, l’Etat va supprimer 16.000 postes de fonctionnaires de l’Education nationale, 1.600 postes de fonctionnaires du ministère de l’Intérieur et que pas un poste ne va être créé dans la fonction hospitalière. Un seul ministère va pouvoir augmenter son personnel : la Justice qui va embaucher 400 gardiens de prison. Ce gouvernement préfère embaucher des matons plutôt que des médecins, des infirmières ou des professeurs. C’est assez révélateur.
Et tous les autres ministères vont garder leurs hordes de ronds-de-cuir qui vont continuer à émarger, à pondre des textes liberticides, à emmerder tout le monde et à faire des cocottes en papier.
Cela dit, c’est aussi dans la fonction territoriale qu’il faudrait tirer. On sait que la décentralisation a, parmi tous les dégâts qu’elle a causés, provoqué, au nom du transfert des compétences, l’embauche de plus d’un million de fonctionnaires territoriaux dans les régions, dans les départements, dans les communes, sans qu’on ne supprime pour autant un seul poste de fonctionnaire d’Etat, comme si l’incompétence des uns ne remplaçait pas celle des autres.
Certains pensent que réduire le nombre des fonctionnaires augmenterait le nombre des chômeurs. D’autres, plus clairvoyants, estiment que réduire les dépenses de fonctionnement de l’Etat permettrait de baisser les charges des entreprises et des particuliers et donc de relancer l’économie.
Mais il ne faut pas se tromper de mammouths. Or, c’est ce que vient de faire le gouvernement

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