Hier, du balcon de sa résidence d’été de Castel Gandolfo, le pape Benoît XVI a condamné l’un des aspects les plus choquants de la politique sécuritaire lancée par Nicolas Sarkozy, l’expulsion massive des Roms. Pour être bien compris, c’est en français que le souverain pontife a clairement rappelé que « l’accueil des hommes de toutes origines » était « un devoir impératif ».
Il est rarissime que le pape se mêle ainsi à la politique d’un pays. Jusqu’à présent, il s’était contenté de condamner certains massacres de la planète, certaines dictatures particulièrement répressives. Jamais, il ne s’en était pris à « la fille aînée de l’Eglise ».
On ne peut pas considérer Benoît XVI comme un « gauchiste ». Aux yeux des plus fidèles partisans de la papauté, il apparaît comme l’un des papes les plus « réactionnaires » que le Vatican ait connus depuis longtemps. Toutes ses prises de position, sur l’avortement, l’homosexualité, le mariage des prêtres et l’évolution de la société en général, en attestent.
Cette « sortie papale » a donc du surprendre Sarkozy et Hortefeux, même si elle faisait suite à une déclaration de Mgr Christophe Dufour, archevêque d’Aix-en-Provence, qui, après avoir assisté au démantèlement d’un campement de Roms, s’est écrié : « Je demande le respect des personnes et de leur dignité dans le cadre de la loi française. Les discours sécuritaires qui peuvent laisser entendre qu’il y a des populations inférieures sont inacceptables ». L’église catholique part donc en guerre contre Sarkozy.
Au moment même où le pape lançait ainsi sa condamnation, paraissait dans le Journal du Dimanche, l’interview de Brice Hortefeux qui, pour défendre ses expulsions de Roms, attaquait « la gauche milliardaire qui ne comprend pas que la délinquance évolue ». Malgré la richesse de l’Eglise, on peut difficilement affirmer que le pape fasse partie de cette « gauche milliardaire ».
Sarkozy et Hortefeux pensent, sans doute, que le pape n’a plus guère d’influence sur l’électorat français. Ils ont tort. Certes, nos églises sont de plus en plus désertées mais le cœur même de l’électorat de droite est encore sensible à de tels rappels à l’ordre de la morale chrétienne la plus élémentaire.
Le ministre de l’Intérieur a d’ailleurs annoncé, ce matin, qu’il était « disposé à rencontrer le cardinal André Vingt-Trois », archevêque de Paris et président de la conférence épiscopale. Hortefeux est, aussi, ministre des Cultes.
Mais on voit mal à quoi pourrait servir une telle rencontre.
Le cardinal rappellerait au ministre les lois de l’hospitalité et de la charité chrétiennes et celui-ci lui sortirait sa nouvelle invention : « l’expulsion sur la base du volontariat et avec un concours financier » (sic !). Seuls, au sein de l’Eglise, quelques jésuites particulièrement pervers pourraient accepter ce nouveau concept de « l’expulsion volontaire ».
Pour sortir du marasme dans lequel il se trouvait englué par toutes les « affaires » et tenter de regagner quelques points dans les sondages, Sarkozy a ressorti, à Grenoble, son thème favori de la lutte contre la délinquance. Il a regagné deux points, à 32% d’opinions favorables. Ce n’est pas beaucoup. Et si l’Eglise (le pape y compris) apporte son soutien au « petit milieu politico-médiatique parisien », à « la gauche milliardaire » et à « Saint Germain des Près », ces deux petits points pourraient rapidement s’effriter.
Il va donc falloir que Sarkozy trouve, au plus vite, autre chose pour partir en pré-campagne présidentielle avec son nouveau gouvernement.
On va voir, le 7 septembre, si les syndicats arrivent à mobiliser leurs troupes et l’opinion contre la réforme des retraites déjà mise à mal par le scandale Woerth-Bettencourt et si la gauche qui tente de se mettre en ordre de bataille pourra présenter une alternative crédible.
Mais Sarkozy vient de se faire excommunier.

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