Nicolas Sarkozy a, sans doute, eu tort de vouloir lancer sa campagne pour les présidentielles de 2012 sur le thème de la sécurité. La chose lui avait réussi en 2007. Les Français avaient oublié qu’il était le ministre de l’Intérieur sortant et donc le premier responsable de l’aggravation de la délinquance. Il est vrai qu’il avait ajouté le slogan de « la rupture » à la lutte « au Karcher » contre « les racailles ».
Mais, cette fois, en en rajoutant encore une couche et en dérapant complètement, il risque bien d’avoir à le payer cher.
Depuis son élection, les Français lui reprochaient son coté « bling-bling » et son incapacité à « faire président », ses innombrables promesses non tenues (à commencer par le fameux « travailler plus pour gagner plus »), ses amitiés avec les plus grosses fortunes du pays (et le bouclier fiscal), sans parler de la fébrilité inutile de son agitation tous azimuts qui dépassait souvent le ridicule.
Aujourd’hui, c’est encore plus grave. Les Français ont l’impression d’avoir affaire à un petit potentat, genre « roi nègre » avec des relents nauséabonds qui rappellent les heures les plus noires de notre Histoire.
Il remplace les préfets par des policiers, il nomme personnellement les responsables de l’audiovisuel et, depuis le lamentable discours de Grenoble, il confond immigration et délinquance, veut déchoir de leur nationalité les délinquants naturalisés de fraîche date et expulser les Roms.
La pourriture est insidieuse. Au début, on ne voit rien ; puis, on remarque quelques traces et on ne veut pas le savoir ; puis, elle s’étend mais on ne s’inquiète toujours pas ; et, finalement, elle triomphe et il est alors trop tard.
Personne n’a rien dit quand le gouvernement de Vichy a promulgué, dès l’automne 40, les premières lois anti-juives. Personne ne s’est étonné de la livraison aux Nazis des Allemands réfugiés en France. Personne ne s’est indigné de la déchéance nationale des Juifs récemment naturalisés. Il a fallu les premières rafles pour que quelques uns, bien rares, commencent à protester.
Naturellement, la comparaison est excessive. Mais il faut être intraitable sur les principes et hurler dès qu’ils commencent à être bafoués. Vichy rendait les Juifs responsables de la débâcle. Sarkozy accuse les immigrés d’être responsables de la délinquance. La stigmatisation d’une catégorie de la population, d’une communauté, d’une race est inadmissible. Il est odieux et indigne de désigner à la vindicte populaire des boucs émissaires.
Dominique de Villepin a raison quand il déclare au Monde : « Le gouvernement a commis une faute morale collective contre la République et contre la France. Il y a aujourd’hui un devoir à remplir pour tous les Républicains de France face à l’hydre qu’un président et ses courtisans voudraient réveiller au fond de chacun de nous, face à la tâche qui menace de flétrir l’idée même que nous nous faisons de la France. Un devoir de refus. Il aura suffi d’un discours à Grenoble et d’un été, d’un seul été, pour que tout bascule, de la lutte contre l’insécurité à l’indignité nationale. Il y a aujourd’hui sur notre drapeau une tâche de honte ».
Villepin a du talent, on le savait, et il a, sans doute, vu juste.
Par la faute de Sarkozy et du discours de Grenoble, la campagne présidentielle va prendre un aspect inattendu. La bataille ne va pas se faire sur la croissance, les déficits, les retraites, le bilan du quinquennat et ses échecs. Elle va se faire sur cette image de la France que Sarkozy a insidieusement défigurée.
Certes, les Français veulent davantage de sécurité, mais souhaitent-ils pour autant l’instauration d’un régime policier, xénophobe, avec des Français de seconde catégorie, où les CRS cassent, au petit matin, les campements sauvages des plus défavorisés et chassent sans ménagement les femmes et les gosses ? Veulent-ils vraiment d’une France qui ne serait plus celle des Droits de l’Homme, du respect de la dignité de chacun, de la Liberté, de l’Egalité, de la Fraternité, même si ces mots, trop galvaudés, sont devenus bien désuets ? Veulent-ils d’une France envahie par cette pourriture et qui pue ?
Vont-ils accepter cette « tâche de la honte » sur notre drapeau ?

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