Un « devoir de mémoire » à 216 millions par an
Ce 14 juillet est placé sous le signe de l’amitié franco-africaine. Du coup, on en oublie les économies. Nicolas Sarkozy a supprimé la réception traditionnelle dans les jardins de l’Elysée mais il a annoncé aux treize chefs d’Etat africains invités et qui vont voir des soldats de leurs pays défiler sur la plus belle avenue du monde que la France (lui en l’occurrence) avait décidé d’aligner les pensions des anciens combattants africains ayant servi dans l’armée française pendant la dernière guerre sur les pensions des anciens combattants français.
Ce n’est, bien, sûr, que justice. Ces braves gens ont quitté, il y a plus de 65 ans, leurs villages perdus dans la brousse pour venir libérer la France et se battre cote à cote avec leurs frères d’armes français « de souche ». Puis, ils sont repartis vers leurs colonies lointaines, souvent la poitrine couverte de décorations. En 1960, ils ont vu, dans leurs villages, amener le drapeau français et ils ont appris que leurs pays accédaient à l’Indépendance.
En même temps, ils apprenaient que les pensions que leur versait la France (pensions militaires, pensions d’invalidité, retraites du combattant) étaient « cristallisées ». En clair, qu’elles n’augmenteraient plus au fil des ans.
Paris avait estimé que les liens étant rompus avec nos anciennes colonies, il n’était plus nécessaire d’« actualiser » la reconnaissance que nous devions avoir envers nos anciens tirailleurs. D’autres faisaient remarquer que les niveaux de vie dans ces pays étant sans commune mesure avec celui de l’ancienne métropole, ces pensions « cristallisées » seraient parfaitement suffisantes pour ces anciens serviteurs de la France.
Les décennies passant, ces pensions sont évidemment devenues ridicules et l’écart entre ce que touchaient les anciens combattants français et leurs frères d’armes africains devenait scandaleux.
Jacques Chirac, après avoir vu le film « Les indigènes », décida de « décristalliser » partiellement les pensions des Africains. Leurs « pensions d’invalidité » et leurs « retraites de combattant » étaient alignées sur celles des Français. Mais pas leurs « pensions militaires » qui sont la prestation la plus importante. Sarkozy vient d’annoncer qu’une loi « décristallisera » ces « pensions militaires », dès octobre prochain.
Le geste est évidemment élégant.
Mais Sarkozy s’est-il aperçu que cela voulait dire que la France allait devoir verser 600 € par mois à 30.000 vieux africains. Soit 216.000.000 € par an ?
Sait-il que dans des pays comme le Mali, le Niger ou le Burkina, 600 € par mois représentent un salaire considérable ?
A-t-il vraiment cru que ces braves types n’allaient pas, très logiquement, demander que cette mesure (de justice) soit rétroactive sur les soixante ans passés ?
On a l’impression, une fois de plus, que le président a pris une décision sur un coup de tête, sans même avoir ouvert le dossier que lui avaient sûrement préparé ses collaborateurs.
C’est, nous dit-on à l’Elysée, « un devoir de mémoire ». Certes, mais çà fait tout de même cher. Même en comparaison avec les 732.826 € que nous économise la suppression de la garden-party élyséenne.
Mots-clefs : Afrique, anciens combattants, Sarkozy