Comme c’est dommage ! Simone Veil et Michel Rocard sont, sans doute, deux des personnages les plus respectés de notre (ancien) personnel politique. Ils ont tous les deux incarnés l’intégrité. Elle, par son passé, sa dignité, ses prises de position, est devenue une sorte d’icône. Lui, par son originalité, sa persévérance et l’enfer que lui a fait vivre Mitterrand, s’est presque hissé à la hauteur d’un Mendès-France, aux yeux de bien des Français. On leur préparait déjà, à l’une et à l’autre, des obsèques nationales.

Et voilà qu’ils ont écrit ensemble une tribune que publie « Le Monde ». Que disent-ils en s’écriant « Halte au feu ! » ? Qu’il faut arrêter de parler de l’affaire Woerth. On croit rêver !
Ils s’affirment « profondément inquiets de l’état du débat public -si tant est qu’il s’agisse vraiment d’un débat- autour d’une affaire qui fait les titres de la presse »

« Mesure-t-on, demandent-ils, les effets dévastateurs du spectacle affligeant qui se donne, jour après jour, devant l’opinion autour de l’affaire Bettencourt ? Veut-on définitivement démonétiser la parole politique déjà suffisamment dévalorisée, décriée, diminuée ? »

On ne comprend pas. Simone Veil et Michel Rocard trouvent-ils normal que l’épouse du ministre du Budget ait été embauchée pour gérer la plus grande fortune de France alors qu’il est désormais prouvé qu’une partie de cette fortune s’évadait vers des paradis fiscaux ? Trouvent-ils normal que Liliane Bettencourt se soit montrée si généreuse à l’égard d’Eric Woerth et de son petit parti de Chantilly et n’ait jamais eu à subir de contrôle fiscal ? Normal que la fondation Bettencourt se soit installée dans des locaux appartenant à la Monnaie (qui dépend du ministère du Budget) ? Normal que Florence Woerth ait été une « cliente assidue » d’un grand hôtel de Genève alors que 280 millions appartenant à Liliane Bettencourt étaient transférés dans une banque de Genève ?

S’ils voulaient à tout prix revenir sur le devant de la scène, l’instant d’un week-end, on aurait préféré les entendre condamner sans pitié le mélange des genres, le pourrissement de notre monde politique par le fric, les relations puantes entre le pouvoir et l’argent qui ne peuvent conduire qu’à la prévarication, qu’à la concussion et qu’à la corruption.

Ils nous disent que tout cela ne peut qu’« apporter du grain à moudre à la broyeuse populiste » et qu’« attaquer ad hominem, harasser sans relâche, dénoncer sans preuve, ce n’est pas servir le débat, c’est desservir la démocratie »
Ils oublient que les « preuves » s’accumulent. Et d’ailleurs Florence Woerth était officiellement salariée pour gérer la fortune de Liliane Bettencourt ce qui est déjà purement scandaleux.

Mais qui apporte « du grain à moudre à la broyeuse populiste » et dessert la démocratie ? Ceux qui exigent la démission d’Eric Woerth en trouvant que ces méthodes de république bananière sont indignes de la France ? Ou ce ministre qui se croyait protégé par l’immunité des puissants et… « fricotait » avec les plus grandes fortunes du pays ?

Simone Veil et Michel Rocard nous avaient habitués à les voir défendre de meilleures causes. C’est, peut-être, l’âge…

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