« Le Canard enchaîné » vient donc d’ajouter deux têtes de plus à son tableau de chasse. Sans notre hebdomadaire satirique (qui est désormais notre ultime source d’information) Alain Joyandet pourrait toujours voyager en jet privé aux frais de la République et se faire attribuer des permis de construire illégaux et Christian Blanc pourrait encore fumer ses cigares aux frais des contribuables. Merci au « Canard enchaîné ».

Les deux hommes tentent de nous faire croire qu’ils ont démissionné d’eux-mêmes… pour « défendre leur honneur ». On rigole et on ose espérer que l’Elysée les y a fortement incités.

D’ailleurs Sarkozy, en recevant les députés UMP l’autre jour, avait clairement fait comprendre que « les cigares et les jets privés » allaient le pousser à faire certains choix lors de la formation de son prochain gouvernement, à la rentrée d’octobre. Joyandet et Blanc étaient donc condamnés. Nous avions été un certain nombre à nous étonner de cette annonce d’un verdict dont l’application était remise à plus tard. Dès l’instant où ces deux sous-ministres étaient ainsi désignés, ils perdaient tout crédit, tout pouvoir sur leur administration, si tant est qu’ils en aient jamais eu.

On veut croire que Sarkozy profitera de ses vacances pour continuer à faire le ménage et que, de week-end en week-end, il nous débarrassera des quelques autres sous-fifres qui ont fait l’actualité de ces dernières semaines, les Estrosi avec ses deux appartements de fonction, Fadela Amara qui, elle, prêtait son appartement de fonction, Rama Yade avec son hôtel de grand luxe en Afrique du sud (et ses déclarations intempestives), Bachelot et son fiston casé dans un organisme officiel, son double salaire et sa gestion de la grippe ou du Mondial de football, etc.

Mais le gros morceau reste, bien sûr, Eric Woerth. On nous raconte qu’en virant Joyandet et Blanc, Sarkozy espère « sauver le soldat Woerth ». Si c’est vrai, le président se fait de cruelles illusions.

Les Français exigent aujourd’hui un grand coup de balai. Ils ne se contenteront pas de cet époussetage. Ils ont été choqués par les turpitudes des « petits » que Sarkozy commence à leur jeter en pâture, mais c’est l’affaire Bettencourt-Woerth qui les a, évidemment, scandalisés.
Les proches du pouvoir nous disent que rien ne prouve (pour l’instant) que l’ancien ministre du Budget ait protégé Liliane Bettencourt, lui ait permis de faire « évader » une partie de sa fortune ou de dissimuler certains de ses biens. On verra. Mais il est déjà coupable, ne serait-ce qu’en ayant fait embaucher sa femme par Liliane Bettencourt, d’avoir entretenu des « liens particuliers » avec la plus grosse fortune de France. Cette collusion entre le pouvoir politique et les milliardaires n’est pas pardonnable.

Or -et c’est ici que l’affaire Woerth dépasse de beaucoup le cas du ministre du Travail actuel- cette collusion est la marque du régime sarkoziste. L’affaire Bettencourt-Woerth est, aux yeux des Français, particulièrement intolérable parce qu’elle n’est qu’un épisode de plus d’une histoire qui a commencé au Fouquet’s, cette soirée du triomphe qui restera à tout jamais comme étant « la tâche indélébile », « la tare originelle du quinquennat ».
Les Woerth étaient « copains » avec Liliane Bettencourt, comme Sarkozy lui-même est « copain » avec Bolloré, Bouygues, Lagardère et consort. Une république « irréprochable » ne peut pas être une oligarchie.

Les Français (qui, d’après un sondage publié aujourd’hui, estiment, à 65%, que nos hommes politiques sont corrompus) sont sans doute contents qu’on les ait débarrassés de Joyandet et de Blanc, mais ils veulent la tête d’Eric Woerth, devenu la caricature de ce qu’ils reprochent le plus à Sarkozy.
En refusant de sacrifier son ministre du Travail, Sarkozy s’enfonce encore plus et donne raison à ceux qui lui reprochent d’être « le président du fric ».

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