On va finir par se demander s’ils ne sont pas « tous pourris », selon la fameuse expression du poujadisme le plus détestable.

Cette fois, c’est le nom d’Eric Woerth qui jaillit à la « une » de l’actualité.
Celui-là, il faut reconnaître qu’on ne s’y attendait pas. Avec sa tête de garçon bien élevé et son plus beau sourire pour nous annoncer les pires catastrophes, on lui aurait –presque- donné le Bon Dieu sans confession. On aurait, peut-être, eu tort.

Depuis des mois, on le voyait jouer « les chevaliers blancs ». Au Budget, il avait traqué sans pitié (mais sans guère de résultats) les évadés fiscaux et les niches fiscales en tout genre. Maintenant qu’il est ministre du Travail, il joue, pour la réforme des retraites, les réalistes intraitables. Il est prêt à toutes les discussions avec les partenaires sociaux mais il refuse toute négociation sur les points clés de sa réforme.

Bref, certains (à commencer par lui-même) le voyaient déjà succéder, cet automne, à Fillon et devenir le premier ministre de la fin du quinquennat et surtout de la campagne des présidentielles. Et puis patatras !

Il apparaît brutalement (et indirectement) dans l’affaire assez incroyable qui oppose Liliane Bettencourt à sa fille Françoise Meyers-Bettencourt. On sait que la vieille dame, 87 ans, héritière de l’Oréal et plus grosse fortune de France, a donné des sommes considérables à un photographe un peu sulfureux, François-Marie Banier. La fille reproche donc au photographe d’avoir abuser de la faiblesse de sa mère. Mais la mère qui ne veut pas être considérée comme gâteuse et qui entend disposer de sa fortune comme elle le veut, s’est lancée dans une procédure judiciaire contre sa fille. Ambiance-ambiance dans la famille !

Pour prouver que sa mère n’avait plus toute sa lucidité, la fille a fait enregistrer les conversations de sa mère par un valet de chambre. Un peu inélégant, certes, mais… il y a beaucoup, beaucoup d’argent en jeu. Ces enregistrements ont été remis à la police par l’avocat de la fille. Naturellement, pour que l’affaire ne soit pas étouffée, il y a eu des fuites.

Or, parmi ces conversations « volées », il y en a plusieurs, entre Patrick de Maistre, gestionnaire de la fortune Bettencourt, et Mme Bettencourt elle-même, qui évoquent longuement… Eric Woerth et son épouse.
Florence Woerth était, elle aussi, chargée de la gestion de la fortune Bettencourt. Patrick de Maistre déclare froidement à Mme Bettencourt : « Avec l’affaire, on ne peut plus avoir sa femme. Je vais aller le dire à Eric et puis on lui donnera de l’argent et puis voilà ».

On comprend aussi, dans ces conversations que c’est grâce au ministre du Budget que la Fondation Bettencourt a pu obtenir des locaux appartenant à la Monnaie de Paris (qui dépend du ministère du Budget), que Mme Bettencourt a été particulièrement généreuse avec Eric Woerth (et Valérie Pécresse) lors des dernières élections, bref, que le ministre est « un ami proche » auquel on peut demander bien des choses (une grande partie de la fortune Bettencourt se trouve en Suisse).

Eric Woerth dément, bien sûr, tout en bloc. Il n’a pas touché un sou à l’occasion du « licenciement » de sa femme, il n’a, bien sûr, jamais rendu le moindre service à Mme Bettencourt, il ne sait pas si Mme Bettencourt a financé sa campagne mais elle en avait, en tous les cas, parfaitement le droit, comme tous les citoyens.
Et le ministre du Travail annonce qu’il portera plainte pour diffamation contre tous ceux qui oseraient propager de telles rumeurs.

On veut bien croire, avec une certaine naïveté, que, mis à part les locaux de la Monnaie de Paris (il est vrai que c’était pour une bonne œuvre), Eric Woerth n’a jamais rendu le moindre service à Mme Bettencourt. Mais ce que notre ministre ne semble pas comprendre c’est qu’il est totalement intolérable que la propre femme du ministre du Budget ait été la salariée de la plus grosse fortune de France, chargée, en plus, de la gestion de cette fortune.

A qui l’ancien ministre du Budget pourra-t-il faire croire que son épouse n’a pas tout fait pour gérer au mieux la fortune de Mme Bettencourt ?
Quand on est un responsable politique, on ne fréquente pas les milliardaires. Imagine-t-on un chef de l’Etat copain d’un Bouygues, d’un Bolloré, d’un Lagardère ? Non, bien sûr.

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