Nicolas Sarkozy joue son avenir sur la réforme des retraites et il le sait. Toutes les autres promesses de 2007 ont été oubliées, voire trahies et sont, en tous les cas, passées à la trappe : le « travailler plus pour gagner plus », la sécurité, la réforme de la fiscalité, celle de l’école, celle de la justice, celle des collectivités locales, etc.

La fameuse « rupture » qui devait nous faire entrer dans un monde nouveau s’est soldée par une augmentation considérable du chômage, de nos déficits, de notre dette, un appauvrissement des classes moyennes, une précarisation accrue des défavorisés et la poursuite inexorable du déclin de la France. Ce quinquennat restera comme la pire des présidences de la Vème République. Les Français en sont venus à regretter et Mitterrand et Chirac.

Certes, il y a eu la crise. Mais un président sortant qui se représente ne peut pas se contenter d’affirmer que, si son bilan est effroyable, ce n’est vraiment pas de sa faute. Les Français ne supportent plus le fameux « responsable mais pas coupable ». Et d’autant plus que Sarkozy a toujours voulu se mettre seul en avant, sur le devant de la scène, tout faire lui-même, en marginalisant et parfois même en ridiculisant son premier ministre et tous les membres du gouvernement. Seul responsable depuis 2007, il est, aujourd’hui, seul coupable de tous nos malheurs.

Cette réforme des retraites est donc l’ultime chance pour lui de se « racheter » aux yeux des électeurs de 2012. Il pourra toujours dire qu’on en parlait depuis vingt ans et qu’il a été le premier à avoir le courage de s’y atteler vraiment.

Mais cette réforme des retraites (et quelle qu’elle soit) est forcément amère et ce n’est, évidemment, pas le sujet le plus facile pour faire de la démagogie en période préélectorale. On comprend qu’Eric Woerth qui, lui, rêve d’entrer à Matignon en septembre prochain marche sur des œufs.
On comprend surtout que le projet d’aujourd’hui vise moins à pérenniser un système de retraites « à la française » qu’à ménager les électeurs potentiels de Sarkozy.

Pour engager une réforme plausible des retraites (que tout le monde reconnaît indispensable), il fallait s’attaquer, peut-être, à l’âge légal de la retraite, sûrement, au nombre d’années de cotisation nécessaires pour avoir une retraite à plein taux, sûrement aussi, à un élément nouveau mais bien réel, « la pénibilité » et, évidemment, à une injustice flagrante, la disparité entre le public et le privé.

Il fallait aussi, bien sûr, pour assurer le financement de ce système, avoir recours à une augmentation des prélèvements obligatoires.
Or, quand on analyse le projet Woerth, on s’aperçoit que le recul de l’âge légal et l’augmentation des années de cotisation sont relativement indolores. 62 ans pour l’âge légal et 41,5 ans, dans un premier temps, pour le nombre d’années de cotisation. Pourquoi ne pas avoir choisi 65 ans et 43 ans de cotisation, comme dans la plupart des pays européens ?

Et, en même temps, on voit que l’augmentation des impôts pour les entreprises et les hauts revenus est plus que modérée, 1% en moyenne.
Mais on s’aperçoit aussi, pour ce qui est de la « pénibilité » et de la disparité entre public et privé, que c’est la reculade totale. En effet, pour pouvoir bénéficier de la « pénibilité », c’est-à-dire d’une retraite à 60 ans, le retraité devra présenter un dossier médical lui reconnaissant au moins 20% d’invalidité. En clair, on ne reconnaîtra de carrières « pénibles » qu’aux seuls handicapés. C’est une conception pour le moins restrictive de la « pénibilité ».

Quant aux fonctionnaires s’ils vont avoir, petit à petit, à cotiser autant que les salariés du privé (ce qui est la moindre des choses), ils continueront, comme par le passé, à voir leur retraite calculée sur leurs six derniers mois d’activité alors que la retraite des salariés du privé sera toujours calculée sur leurs vingt-cinq meilleures années. Le scandale perdure donc.

Visiblement, pour 2012, Sarkozy entend faire plaisir au Medef, ménager autant que faire se peut les classes moyennes et ne pas se mettre trop à dos les fonctionnaires. Mais il fait une croix sur les classes populaires. Cette stratégie sera-t-elle suffisante pour remporter la présidentielle ?
La gauche et les syndicats vont, bien sûr, se servir de cette réforme pour essayer de mobiliser les foules, le PS afin de préparer 2012, la CGT, FO, la CFDT avec l’espoir de faire revivre le syndicalisme français.

Mais la gauche n’est guère plausible dans ses propositions sur l’avenir des retraites –« faire payer les riches » n’est plus un slogan à la mode- et, sans les fonctionnaires, les syndicats ne représentent plus rien.

Cela dit, le compte n’y est pas. Ni, bien sûr, pour assurer un système de retraites équilibré à l’horizon 2020 ou 2030, ni pour s’assurer une majorité au soir du second tour des présidentielles.

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