Comme toujours quand quelque chose ne va pas quelque part, les démagogues de tout poil s’en prennent à la presse.

Et il est vrai que, sans « Le Canard enchaîné », nous n’aurions jamais été au courant des cigares de Christian Blanc, du fromage de Christine Boutin, des appartements de fonction de Christian Estrosi ou de Fadela Amara, du permis de construire d’Alain Joyandet, des cumuls de salaires de Roselyne Bachelot et de Michèle Alliot-Marie pour ne parler que de ces derniers jours. Et, sans « Médiapart », nous n’aurions jamais su, ce qui aurait tout de même été très dommage, que l’épouse d’Eric Woerth gérait la fortune de Liliane Bettencourt depuis que son mari avait été nommé ministre du Budget.

Maudit « Canard » et maudit « Internet » qui vont, sans doute, un peu gâcher les vacances de tous ces braves gens et, peut-être –qui sait ?- imposer à Nicolas Sarkozy certains choix lors du remaniement annoncé pour la rentrée.
Et maintenant c’est à « L’Equipe » que nos démagogues s’en prennent. D’après eux, ce serait le quotidien sportif qui serait le seul responsable des malheurs de l’équipe de France de football en Afrique du sud.

Leur raisonnement est simple. Si « L’Equipe » n’avait pas mis à sa « une » les injures qu’Anelka avait lancées à Domenech dans les vestiaires, pendant la mi-temps du France-Mexique, personne n’en aurait rien su, les dirigeants de la Fédération française de football n’auraient donc pas été obligés de virer Anelka, les joueurs n’auraient donc pas eu à se solidariser avec lui en faisant la grève de l’entraînement et cette équipe de France aurait donc écrasé l’Afrique du sud, ce qui lui aurait, peut-être, permis de retrouver une toute petite chance de se qualifier pour les 8èmes de finale.

De là à dire que, sans « L’Equipe », nos vingt-trois sélectionnés étaient les meilleurs joueurs du Mondial, les mieux préparés physiquement et psychologiquement, que l’ambiance au sein de cette équipe était excellente et que tous les joueurs adoraient leur entraîneur, il n’y a qu’un pas que certains n’hésitent pas à franchir.

Question : « L’Equipe » avait-elle le droit, « moralement », de mettre cette information en « une » ? Evidemment. La mettre en pages intérieures aurait été ce qu’on appelle une faute professionnelle. Avait-elle seulement le droit d’en faire état ? Evidemment. Dès lors que cette information était confirmée (et personne n’a contesté la réalité de la phrase d’Anelka) il était du devoir des journalistes de la rapporter. Elle reflétait d’ailleurs à merveille l’ambiance plus que détestable qui régnait dans cette équipe.

On va dire que « l’Equipe » a fait « du tort » à nos joueurs, tout comme « Le Canard » a fait « du tort » à Blanc, Boutin, Estrosi, Fadela Amara, Joyandet, Bachelot, Alliot-Marie et « Médiapart » à Woerth. C’est vrai.

Mais le rôle de la presse n’est-il pas d’informer les lecteurs (et les électeurs) et de dénoncer les scandales grands ou petits ? Dans une démocratie ce contre-pouvoir est indispensable. A moins d’être à PyongYang, Pékin, La Havane ou Tripoli, les journalistes n’ont pas à se contenter de publier les communiqués officiels et les comptes-rendus des conférences de presse du gouvernement. Ils n’ont pas à s’autocensurer, même s’ils savent qu’en disant la vérité, ils risquent de nuire à quelques puissants.

Le seul problème aujourd’hui c’est qu’il n’y a plus, pratiquement, que dans « Le Canard » et sur Internet (et occasionnellement dans « L’Equipe ») que les Français puissent apprendre certaines vérités. Il ne faut pas s’étonner alors que voir que les lecteurs désertent la presse.

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