Eric Woerth vient de nous « avouer » (mais on s’y attendait) que les Français allaient inévitablement devoir travailler plus longtemps pour tenter d’équilibrer le budget des retraites et que donc l’âge légal du départ à la retraite allait être retardé. 62 ans, 65 ans ? On ne sait pas encore. En tous les cas, cela sera progressif et modulé. On tiendra compte à la fois du nombre d’années de cotisation et de la pénibilité. Tout cela semble, à première vue, relever du simple bon sens.

Même si les syndicats sont bien décidés à décréter une mobilisation générale, en forme de baroud d’honneur, contre la mort du « tabou des 60 ans » et même si Martine Aubry annonce déjà que, quand la gauche l’aura emporté, elle remettra l’âge légal à 60 ans, tout le monde est d’accord avec Dominique Strauss-Kahn quand il déclare que « le jour où chacun vivra jusqu’à 100 ans on ne pourra pas s’arrêter de travailler à 60 ans ».

Après nous avoir dit qu’il fallait « travailler plus pour gagner plus », Sarkozy nous dit donc qu’il faut travailler plus longtemps pour avoir droit à une retraite décente. C’est d’une logique enfantine. Sauf que, et tout est là… Y a plus de travail, mon brave monsieur ! Non seulement on ne peut pas travailler plus mais, dans bien des cas, on ne peut pas travailler du tout.

Officiellement, nous avons 2,4 millions chômeurs en France, soit 10,1% de la population active. Mais, en fait, si on fait le compte de toutes les catégories de chômeurs répertoriées par le Pôle-emploi, c’est plus du double. 5 millions. Et encore ce chiffre épouvantable ne tient-il pas compte de certains salariés plus ou moins « précaires », avec des emplois à durée déterminée ou intérimaires. Et pour ce qui est des « vieux », c’est-à-dire maintenant les + de 55 ans, on sait qu’ils sont 62% à être sans emploi.

Le problème de la France aujourd’hui n’est pas d’inciter, voire d’obliger les Français à travailler plus de 35 heures par semaine ou/et au-delà de 60 ans, il est de fournir du travail à tous ceux qui n’en ont pas, aux jeunes, aux chômeurs, aux vieux.

On a totalement oublié que quand Léon Blum, en 1936, avait réduit la semaine de travail à 40 heures et quand Martine Aubry, en 2000, l’avait réduite à 35 heures ce n’était pas seulement par démagogie, c’était essentiellement, pour faire baisser le nombre des chômeurs et « partager le travail ». Cà n’avait pas marché. Pas plus d’ailleurs que quand, pour les mêmes raisons, on avait abaissé l’âge de la retraite.

La faillite programmée de notre système de retraites vient moins de l’évolution de notre démographie que de l’effondrement de notre économie. Il est dérisoire de proclamer à longueur de discours que, pour retrouver l’équilibre de tous nos budgets, il suffirait que les chômeurs et les « aînés » se remettent à travailler. La plupart d’entre eux ne demanderait sans doute pas mieux.

La ruine de toutes nos caisses de protection sociale (chômage, retraites, maladie, etc.) a été provoquée, avant tout, par la disparition de pans entiers de notre économie, avec la fermeture des mines, la délocalisation des usines, la crise de la pêche, celle de l’agriculture, etc. Nous n’avons attaché aucune importance au déficit croissant de notre balance commerciale. Il est pourtant diablement révélateur. Nous achetons beaucoup plus que nous n’exportons. Ce qui signifie que nous ne sommes plus « compétitifs » et que nous continuons à vivre avec un train de vie que nous ne pouvons plus nous offrir. A force de ne plus produire de richesses, nous nous sommes ruinés.

Fillon nous a dit que l’Etat était « en faillite ». Mais, en fait, c’est la France qui est au chômage. Parce qu’elle a été « virée » de la compétition internationale pour incompétence.

Si, demain, le gouvernement décidait de remettre la semaine de travail à 40 heures et l’âge de la retraite à 65 ans, que se passerait-il ? Rien d’autre qu’une explosion du nombre des chômeurs.

On ne pourra remettre les Français au travail que le jour où on aura reconstruit une économie créatrice d’emplois et de richesses, c’est-à-dire capable de faire face à la concurrence de la mondialisation grâce à l’innovation.

Dire aux Français qu’il faut qu’ils travaillent plus sans leur dire ni où, ni comment est absurde.
Il paraît que Sarkozy est un grand amateur de football. Il devrait comprendre que ce n’est pas en mettant davantage de joueurs sur le terrain qu’on a une chance de gagner, tant que les joueurs n’ont pas de ballon.

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