L’affaire de la femme voilée et du mari polygame est bien mal partie et prend des proportions totalement invraisemblables.

Une fois de plus, on a droit à toutes les dérives du sarkozysme en action.
Au début, un incident parfaitement dérisoire : une femme, française « de souche », portant la burqa au volant de sa voiture et écopant d’une amende de 22 € sous prétexte que cette fameuse burqa l’aurait empêchée d’avoir une maîtrise totale de son véhicule. Cà valait cinq lignes dans un quotidien local de la région nantaise.

Mais le fait divers tombe merveilleusement bien, en plein débat, justement, sur l’interdiction de la burqa dans l’espace public. A l’Elysée, on se dit aussitôt que c’est là une occasion merveilleuse de faire monter la sauce. Immédiatement, donc, branle le bas de combat général.
L’affaire devient une affaire d’Etat. On ne parle plus que de çà et d’autant plus qu’un sondage révèle que 66% des Français sont… contre l’interdiction du voile intégral dans l’espace public.

Si on analyse d’un peu près ce sondage, on s’aperçoit qu’en fait les Français ont d’autres soucis en tête, à commencer par le chômage, qu’ils se « foutent » complètement des 2.000 femmes qui portent la burqa en France et qu’ils en ont assez qu’on interdise tout et n’importe quoi dans le pays de « toutes les libertés ».

Les conseillers juridiques d’Hortefeux font alors remarquer à leur ministre que, la bonne femme ne voulant pas payer son amende et faisant des conférences de presse, l’histoire est très mal emmanchée. La loi n’est pas encore passée et donc le port de la burqa est toujours parfaitement toléré en France.
Mais Hortefeux ne veut pas s’avouer vaincu. Les Renseignements Généraux lui ont fait savoir que le mari de la brave dame, algérien d’origine, devenu français par mariage avec une Française en 1999 et militant dans une organisation islamiste extrémiste du Pakistan, pourrait bien être polygame, avec quatre femmes lui ayant donné douze enfants.

Le ministre de l’Intérieur, toujours zélé, donne alors des instructions au préfet de Loire-Atlantique, écrit à son homologue de l’Immigration, multiplie les déclarations. Il pense qu’il va réussir à sauver la face. Il ne pourra rien contre la femme mais il s’imagine qu’il va avoir le droit de « déchoir de sa nationalité française » le mari. Le ministre ignore tout du droit français ! Zélé mais bêta, Hortefeux.

D’abord, la déchéance de la nationalité française n’est possible –et heureusement- que pour des cas particulièrement graves : trahison, terrorisme ou crimes jugés. La polygamie ou l’escroquerie aux allocations familiales n’entrent pas dans ces cas là.

Ensuite et surtout, la polygamie, interdite par nos lois, est l’une des choses les plus difficiles à prouver, précisément parce que le Code civil ne permet pas à un homme d’épouser plusieurs femmes. Mais rien n’interdit à un homme de vivre « en compagnie » de plusieurs femmes, voire même d’héberger chez lui « quelques amies » sans domicile. Lesquelles, puisqu’elles ne sont ni mariées, ni pacsées, ni concubines officielles peuvent parfaitement bénéficier de l’allocation « parent isolé ». C’est sans doute absurde, mais c’est comme çà.

Brice Hortefeux et Eric Besson (visiblement gêné par les déclarations intempestives de son collègue) ne vont pouvoir ni déchoir Liès Hebbadj de sa nationalité ni le poursuivre pour polygamie ni même faire supprimer les allocations que touchent ses quatre « maîtresses ».

Besson dit maintenant qu’il faudrait « sans doute faire quelques adaptations législatives » pour régler le cas de Liès Hebbadj. Ce ministre est fou. Depuis quand fait-on, dans un Etat de droit, des « adaptations » aux lois en fonction d’un seul et unique individu, des lois « à la gueule du client » ?

Si l’on voulait régler ce genre de problèmes, il faudrait : 1) Supprimer l’obtention de la nationalité française « par mariage » (ce qui ne serait peut-être pas une mauvaise idée), mais la loi n’étant pas rétroactive, Liès Hebbadj resterait français, 2) Considérer que l’hébergement chez un homme de plusieurs femmes équivaut à la polygamie, 3) Décréter que la polygamie est un crime grave susceptible d’entraîner une déchéance de la nationalité française, 4) Affirmer qu’une mère de famille vivant « dans l’entourage » d’un homme n’est pas un « parent isolé ».

D’autres questions se poseraient d’ailleurs aussitôt. Est-il normal qu’un Français naturalisé soit « moins français » qu’un Français « de souche » ? C’est pourtant le cas puisque le Français « de souche » ne peut pas être déchu de sa nationalité. En banalisant la déchéance, nous ferions de tous les naturalisés des « Français temporaires ».

Et que fera-t-on, d’ailleurs, des Français « de souche », convertis à l’Islam (ou non) qui pratiquent la polygamie en ayant plusieurs maîtresses à leur domicile ? Les condamnera-t-on à… l’indignité nationale ?

Se saisir d’un fait divers, organiser du battage médiatique tout autour, annoncer, dans la précipitation, des décisions contraires à la loi, en se vantant de faire ainsi preuve de « volonté », voire de « courage politique », puis déclarer sans pudeur qu’on va sortir de nouveaux textes, c’est ce qu’on appelle, en effet, « le sarkozysme en action ».

La fable pourrait s’intituler « La femme voilée, le mari polygame et le ministre qui perd les pédales ». Quelle en serait la morale ?
Mais, pendant ce temps-là, on oublie le chômage, le problème des retraites, les déficits publics, l’insécurité… Sarkozy arrivera-t-il à tenir avec de tels gadgets pendant encore deux ans ?

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