Et l’Afghanistan dans tout çà?
Ces élections régionales ont permis aux Français de donner leur opinion sur le bilan de la première moitié du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Le verdict a été cruel et sans appel.
Ils ont condamné tout à la fois le personnage (son fameux coté bling-bling, son manque de prestance présidentielle), sa politique d’ouverture à gauche, sa frénésie de réformes dans tous les sens et, surtout, ses innombrables promesses non tenues, ses échecs les plus graves (la lutte contre le chômage, contre la précarité, contre l’érosion du pouvoir d’achat des classes modestes, contre les déficits publics, contre l’insécurité).
Mais, très curieusement, personne n’a, au cours de cette campagne, évoqué le bilan tout aussi catastrophique de la politique étrangère menée depuis près de trois ans par le président de la République.
On dira que la politique étrangère est très loin d’un débat sur les régionales mais puisqu’on s’en est pris à l’ensemble du bilan de Sarkozy il aurait été normal, dans cet inventaire général, qu’on rappelle d’un mot quelques dossiers étrangers particulièrement mal gérés.
Tout le monde semble avoir oublié que nous avons, aujourd’hui, plus de dix mille hommes qui se battent au fin fond des montagnes perdues de l’Afghanistan, qui se font canarder comme des lapins, dans une guerre où nous n’avons rien à faire et qui est perdue d’avance.
Quand Sarkozy nous raconte que nous nous battons là-bas pour les Droits de l’Homme et pour que les Talibans n’obligent pas les femmes afghanes à porter le voile, il prouve qu’il ignore tout du dossier. Les femmes afghanes ont toujours porté ce voile, bien avant le règne des Talibans, du temps du roi, du temps de Daoud, du temps des communistes. C’est la mode locale et nous n’allons tout de même pas faire tuer nos soldats pour imposer la mini-jupe à l’un des peuples les plus archaïques de la planète.
Quand il nous dit que nous nous battons là-bas pour lutter contre le terrorisme international, il nous raconte n’importe quoi. Si Ben Laden est sans doute toujours quelque part dans une vallée à la frontière entre l’Afghanistan et le Pakistan, le terrorisme islamiste n’a pas besoin de ce sanctuaire afghan pour proliférer. Il a ses camps d’entraînement au Yémen, au Soudan, aux Philippines, en Indonésie, au Maghreb, il recrute et il perçoit l’impôt jusque dans nos cités de non-droit.
Quand il nous déclare que les forces de la coalition vont permettre à l’Afghanistan de retrouver la démocratie, il se moque de nous. Jamais ce pays féodal (à tous les sens du terme) fait de tribus indépendantes, de races qui se détestent entre elles, qui ne parlent pas la même langue, qui ne pratiquent pas le même Islam, d’une vallée à l’autre, n’a connu ni même entendu parler de la démocratie. Et ce ne sera jamais par les armes qu’on imposera la démocratie.
Enfin, quand il nous jure que nous allons gagner cette guerre, il nous ment effrontément. Jamais personne n’a pu gagner une guerre en Afghanistan. Ni les hommes d’Alexandre-le-Grand, ni ceux de la reine Victoria, ni les troupes soviétiques. L’Afghanistan est l’un des rares pays au monde qui n’a jamais pu être colonisé.
Pire, si toutes ces tribus se haïssent entre elles depuis des siècles, dès qu’un étranger tente d’entrer dans le pays c’est immédiatement l’union sacrée. Il est évident que tous les Afghans n’étaient pas favorables aux Talibans, mais l’invasion des étrangers infidèles de la coalition internationale les a tous fait basculer du coté des islamistes les plus radicaux. Par simple réflexe si ce n’est nationaliste du moins xénophobe. Quand cette coalition est arrivée, les Talibans ne tenaient plus qu’un ultime carré dans la région de Kandahar. Aujourd’hui, ils contrôlent pratiquement tout le pays. Nous voulions faire une guerre contre les terroristes, nous faisons maintenant une guerre contre les Afghans que notre invasion a réconciliés pour mener un combat sans merci contre des étrangers, contre des infidèles, contre nous. Et chacun sait que cette guerre, ils la gagneront.
On en est aujourd’hui à chercher des Talibans… « modérés » pour tenter de trouver une issue nous permettant de sortir de ce bourbier. Mais les Talibans modérés, çà n’existe pas.
Il est bien dommage qu’au cours de cette campagne des régionales personne n’ait parlé de l’Afghanistan et de notre engagement irresponsable là-bas. Cela aurait, peut-être, poussé Sarkozy à réfléchir à la question. On vient de voir que çà a marché pour la taxe carbone !
Mais l’ensemble de la politique étrangère aurait pu être évoqué.
Depuis le début de son quinquennat, Sarkozy multiplie frénétiquement les initiatives diplomatiques, les déplacements à travers la planète, les réunions internationales en tentant d’acquérir une stature internationale avec, visiblement, l’espoir que les Français lui en sauront gré. Mais les Français s’en moquent et il faut bien dire que… c’est une chance pour lui.
La politique étrangère de Sarkozy présente d’une manière caricaturale tous les défauts du sarkozysme en action : mépris des réalités, ignorance des dossiers, agitation frénétique dans tous les sens, initiatives à contretemps, vantardise à la limite de la mythomanie puis passage le plus rapide possible à un autre sujet.
L’Europe ? Sarkozy s’était vanté de l’avoir relancée avec son « mini traité ». Elle n’a jamais été aussi, inexistante.
Nos relations avec l’Allemagne ? Sarkozy a beau embrasser comme du bon pain Angela Merkel, rien ne va plus entre Paris et Berlin.
Nos relations avec Washington ? Sarkozy est revenu un peu piteusement au sein de l’OTAN, il a multiplié les actes de soumission (et d’admiration) devant Obama, mais celui-ci continue à le mépriser souverainement.
Nos relations avec Moscou ? Sarkozy s’est incliné, toute honte bue, devant l’annexion par la Russie de deux provinces géorgiennes, il n’a jamais rien dit de la Tchétchénie ni des innombrables violations des Droits de l’Homme pratiquées par les anciens du KGB, il se dit prêt à vendre du matériel militaire et pourtant le couple Poutine-Medvedev continue à l’ignorer.
Nous sommes fâchés avec Pékin, avec Alger, inexistants au Proche-Orient.
En Afrique, on rigole encore des moulinets de Sarkozy qui avait juré d’en finir avec la Francafrique quand on le voit serrer sur son coeur le fils de Eyadema ou celui de Bongo.
Et la fameuse Union pour la Méditerranée ? Une idée personnelle de Sarkozy qui allait créer un « lac de paix » en réunissant le Nord et le Sud, l’Occident et l’Islam. On a encore en mémoire les festivités délirantes (et ruineuses) auxquelles son lancement avait donné lieu. Elle a disparu corps et biens.
Personne n’a oublié la visite de Kadhafi à Paris et chacun se souvient des contrats mirifiques que Sarkozy prétendait rapporter de tous ses voyages à travers le monde, en Inde, en Chine, en Arabie Séoudite, dans les émirats de Golfe, au Maroc, au Brésil, partout. Que sont devenues toutes ces promesses d’achat fabuleuses de TGV, de centrales nucléaires, de Rafale qui devaient sauver notre industrie ? Oubliées.
Oui, dans son malheur, Sarkozy a tout de même de la chance, les Français se désintéressent totalement de la politique étrangère. Mais les Français ont tort.
Mots-clefs : Afghanistan, Diplomatie, Sarkozy, Union pour la Méditerranée